Elle

300Une femme se fait violer chez elle par un inconnu masqué. Plutôt que d’alerter la police, elle se met à le chasser. A partir de ce postulat, Paul Verhoeven livre une adaptation d’un roman de Philippe Djian proche de l’univers de Michael Haneke et des derniers Hitchcock, mais en y injectant un bonne dose d’humour qui, alliée au caractère malsain du jeu qui s’instaure entre Michèle et son agresseur, confère à l’ensemble un côté provocateur mais d’une intelligence rare.

Il y a une jubilation communicative dans la mise en scène clinique du réalisateur néerlandais. Sans concession, celle-ci prend le spectateur à la gorge, à l’instar de ce plan d’ouverture, d’une violence froide. Allier noirceur et humour noir avec subtilité permet de dresser le portrait complexe d’une femme en apparence inébranlable (bourgeoise dirigeant une boîte de jeux vidéo, Michèle mène d’une main de fer ses vies professionnelle et sentimentale) mais dont les failles sourdent sous le vernis de la bourgeoisie à la Chabrol. On peut aligner les superlatifs : dérangeant, drôle, cynique. Le titre,  Elle, en dit long sur le cinéma de Verhoeven. Entre deux blockbusters auteuristes et bourrins, son cinéma dessine, avec Basic Instinct, Black book ou encore le sous-estimé Showgirls, et maintenant Elle, des portraits de femmes d’une grande intensité. Des personnages forts comme autant de témoignage de respect et d’amour du réalisateur pour les femmes. Tourné en France, c’est naturellement que ce rôle revient à Isabelle Huppert, dont le jeu, tout en finesse, illumine la noirceur du film. Dans un même plan, en une seconde, une esquisse de sourire à peine perceptible en dit long sur la perversité du personnage. On imagine avec peine une autre actrice qu’Huppert pour habiter le personnage avec autant de génie. Le reste du casting, admirablement dirigé, n’est pas en reste. Ensemble, les acteurs se laissent pousser par le réalisateur pour livrer le meilleur d’eux-mêmes dans une pièce qui mélange savamment les genres, du vaudeville au thriller, en passant par la satire sociale. En somme, une œuvre d’une richesse infinie à l’instar de son héroïne : sous ses aspects froids, complexe et subtile.

Réalisateur : Paul Verhoeven – Acteurs: Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Virginie Efira – Durée: 2:10 – Année: 2015 – Pays: France

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Moland Fengkov

Moland Fengkov

Moland est le représentant officiel de Plume Noire au festival de Cannes. Outre sa passion du cinéma, il est photographe professionel et journaliste freelance.
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