Vu ce matin en projection de presse, le dernier film en compétition fut un choc. Elle, de Paul Verhoeven pourrait bien enterrer la compétition. Servi par une Isabelle Huppert impériale qui, d’un mouvement du visage à peine imperceptible, une esquisse de sourire, un regard exprimant le fond de son âme, insuffle à son personnage une densité aux mille nuances. D’ailleurs, si Verhoeven ne décroche pas la Palme d’or avec cette adaptation perverse d’un roman de Philippe Djian, son actrice pourrait, elle, ajouter un nouveau prix à son palmarès. Même si du côté de la gent féminine, la concurrence s’avère particulièrement féroce cette année. Kristen Stewart qui porte Personal shopper d’Olivier Assayas sur ses épaules, Sonia Braga, résistante dans Aquarius de Kleber Mendonça Filho, Adèle Haenel en toubib responsable dans La fille inconnue des frères Dardenne. Si d’aucuns ont l’habitude de se plaindre de la sous-représentation des femmes chez les réalisatrices en lice, celles-ci se voient vengées par des personnages féminins forts qui remportent tous les suffrages.
Chez les hommes, à part Adrian Titieni en médecin cédant aux travers de la corruption dans Baccalauréat de Cristian Mungiu, et Gaspard Ulliel, tout en retenue face à l’hystérie de ses camarades de casting, dans Juste la fin du monde de Xavier Dolan, on ne retient que peu de prestation pouvant sortir du lot.
Enfin, les sérieux prétendants à la Palme d’or, selon le thermomètre des sorties de projection, sont Kleber Mendonça Filho, Xavier Dolan, Paul Verhoeven et Asghar Farhadi. Pour notre part, les images qui nous restent sur la rétine sont les plus exubérantes, celles de American honey d’Andrea Arnold, de Juste la fin du monde, de Xavier Dolan (qui nous a irrités), The neon demon de Nicolas Winding Refn, Ma loute de Bruno Dumont et enfin Elle de Paul Verhoeven. D’autres films, qui versent moins dans une esthétique léchée, mais qui livrent une mise en scène d’orfèvre, remportent nos suffrages : Sieranevada de Cristi Puiu, Ma’Rosa de Brillante Mendoza, Baccalauréat de Cristian Mungiu et Le client d’Asghar Farhadi. En clair, aucun film ne sort vraiment favori, ni dans nos cœurs ni dans celui des festivaliers. C’est le résultat d’une sélection de qualité, mais qui compte des films, dans l’ensemble, qui, s’ils témoignent d’une maîtrise certaine, ne parviennent pas, pour la plupart, à rester présents dans la mémoire confuse du festivalier en bout de course. Les paris restent donc ouverts et le palmarès potentiel à géométrie variable, dont on ne se risquera pas à en livrer une version ici. Demain est autre jour.
Moland Fengkov
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