Jeune et Jolie

Jeune-et-Jolie-affiche (1)Jeune et jolie, elle l’est. Elle, c’est Marine Vacth. Moue boudeuse, corps parfait de mannequin aux faux airs de Laetitia Casta au sortir de l’adolescence, jeu tout en regards perdus, rebelles, fragiles, absents. François Ozon sait choisir ses muses. Ce jeune espoir du cinéma français irradie tout le film qu’elle porte sur ses frêles épaules, le temps de quatre saisons. Son corps, mis à nu et mis en scène dans les bras d’hommes argentés en mal d’exotisme sexuel, la jeune actrice l’assume et le met au service de ce portrait sans complaisance de l’adolescence. On l’aura compris, Jeune et jolie raconte l’histoire d’Isabelle. Après une première expérience sur une plage d’été, elle se lance secrètement dans la prostitution. Jusqu’au jour où un drame fait éclater la vérité. Certes, Ozon aborde un sujet de notre société malade, en crise, où la pornographie, libre d’accès sur Internet, ainsi que les sites de rencontres qui se multiplient, ouvrent les portes de la sexualité débridées aux ados. Sujet épineux, sulfureux, voire scandaleux, que le film traite sans vulgarité. Sans vouloir verser dans la sensualité érotique, Ozon laisse aux motivations de son héroïne leur part d’ombre. La jeune femme vit dans une famille équilibrée : un petit frère complice, une maman jeune, un beau-père qui sait rester à sa place. Pour quelles raisons se lance-t-elle dans le trafic de son corps ? La réponse reste un mystère, et qu’importe, puisque si la prostitution d’étudiantes reste le contexte, le film parle davantage de la mélancolie propre à la période post-adolescente. Lors de son dépucelage, Isabelle se dédouble et devient actrice et témoin. Toute la dualité de son personnage se déploie dans cette scène, pour se manifester tout au long de l’intrigue, à grands renforts de jeux de miroirs. Effets gratuits ? Casse-gueule ? Sans doute. Mais les nuances du jeu de Marine Vacth rattrapent ces artifices et les font presque oublier. Pourtant, on ne peut crier à la réussite. Le film souffre d’un gros défaut d’écriture. Ozon force le trait et cède à la tentation de prendre le spectateur par la main. Un gâteau d’anniversaire pour renseigner sur l’âge d’Isabelle, des chansons de Françoise Hardy aux paroles explicites, une exégèse de Rimbaud en cours de lettres (« On n’est pas sérieux quand on a 17 ans ») comme une exégèse du film lui-même, un plan furtif sur Les liaisons dangereuses  de Choderlos de Laclos qu’Isabelle lit, une galerie aussi diverse que variée de clients, du pervers au vieux en mal de tendresse, en passant par la parenthèse du petit ami de lycée avec qui elle échange un baiser sur le Pont des Arts (le pont parisien où les amoureux ont coutume de placer un cadenas, symbole de leur amour). Ozon passe en revue les poncifs. Tout y passe, y compris la rencontre avec l’épouse (Charlotte Rampling, parfaite en Françoise Hardy) d’un client, compréhensive, empathique, noble dans sa solitude partagée. Si toutes ces scènes restent réussies, interprétées par des comédiens en pleine maîtrise, de Géraldine Pailhas à Frédéric Pierrot, en passant par le jeune Fantin Ravat (le jeune frère), elles demeurent trop dans le cliché pour faire de l’ensemble une œuvre dont on retiendra autre chose que la performance de son actrice principale.

Réalisateur: François Ozon – Acteurs: Marine Vacth, Géraldine Pailhas, Frédéric Pierrot, Fantin Ravat – Durée: 1:35 – Année: 2013 – Pays: France

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Moland Fengkov

Moland Fengkov

Moland est le représentant officiel de Plume Noire au festival de Cannes. Outre sa passion du cinéma, il est photographe professionel et journaliste freelance.
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