Il y a des jours où ce que l’on en attend déçoit et où la surprise se niche ailleurs. Fin de festival : on se dit que le meilleur reste à venir, que la programmation s’avère peut-être pertinente et stratégique, en réservant des favoris en fin de parcours, histoire de maintenir l’intérêt, de relancer la machine des festivaliers qui tombent comme des mouches les uns après les autres, les cafés et autres remontant plus ou moins licites : James Gray, Roman Polanski, et entre les deux, Jim Jarmusch, dont la participation tardive à la compétition laisse supposer que le film s’avère sans doute mineur.
La journée commence avec une des grandes attentes de cette 66e édition : Marion Cotillard et le retour de Joaquin Phoenix dans le nouvel opus de James Gray (photo : Moland Fengkov), The Immigrant, un film narrant les vagues d’immigration dans les Etats-Unis des années 20. Si Marion Cotillard nous livre une nouvelle performance linguistique (après l’anglais, elle aura ajouté durant cette quinzaine italien – dans Blood Ties de Guillaume Canet – et polonais – chez James Gray, donc – en langues vivantes 2 et 3), si la photo, tout en sépia suranné, s’en tire bien, le film, servi par une mise en scène toujours aussi classique, ne décolle pas et ne suscite pas l’émotion escomptée. Seul Jérémie Renner s’en sort dans son numéro d’illusionniste en lévitation.
Passons sur le retour de Mads Mikkelsen (photo : Moland Fengkov), un an après son prix d’interprétation obtenu pour son rôle de père accusé à tort de pédophilie dans La Chasse de Thomas Vinterberg. Pas en reste, par rapport à Marion Cotillard, le Danois se lance dans la pratique du bon vieux français, dans Michael Kohlhaas d’Arnaud des Paillères. L’histoire d’un marchand de chevaux qui fomente une petite révolution pour laver l’affront qu’un seigneur local lui fait subir. Belle photo, beaux plans de chevauchées sur des plaines nimbées de lumières changeante ou dans le brouillard, servi par plusieurs seconds rôles réjouissants (Segi Lopez, Denis Lavant…), le film souffre d’un déséquilibre polyglotte et d’une histoire qui, si elle reste intéressante dans le fond des problèmes qu’elle soulève, ne parvient pas à captiver pour autant lors de son déploiement.
L’événement du jour fut la chance de rencontrer Kim Novak, venue présenter la copie restaurée de Vertigo, le chef d’oeuvre d’Alfred Hitchcock, à l’heure où la plupart des journalistes jouissent de l’hospitalité du maire de Cannes, sur les hauteurs, au cours du traditionnel aïoli, le buffet servi en leur honneur, en présence des membres du jury.
A ce stade de la journée, éclatante, il était temps, après deux semaines de déluge, on se dit que le grand raout touche à sa fin et qu’il va falloir songer à se prêter au jeu des pronostics. C’est le coeur léger, sans trop y croire, qu’on se rend à la projection de presse de Only lovers left alive, de Jim Jarmusch. Et là, coup de théâtre, surprise, joie intense ! On se retrouve face à un ovni rock’n’roll qui explore les terres désoeuvrées de Detroit, USA, où se terrent des vampires zikos collectionnant depuis des centaines d’années les instruments d’exception. Humour noir et répliques déjà cultes, bande son à faire head banger les festivaliers les plus zombifiés, ce film arrive à point nommé. En portant son regard sur les zombies de Los Angeles (sic), c’est le public de la salle, lui-même plus que l’ombre de lui-même, après avoir, tout comme les vampires du film, vécu dans l’obscurité des salles de projection et dans les lumières artificielles des fêtes en bord de plage, qu’il pointe du doigt, et dont il se moque gentiment. Un jeu de miroir salutaire pour les pauvres hères que nous sommes, plombés par les déceptions des films trop attendus et encore sous le choc du film de Kéchiche. Une dose de rock’n’roll en cette fin d’édition morose dans son ensemble, on ne pouvait rêver meilleure fin. Même si il reste encore quelques films à voir, on a l’impression d’avoir déjà tout vu.
Moland Fengkov
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