Réalisé par Paul Schrader, The Canyons est l’un des rares films qui osent s’aventurer hors des sentiers battus, explorant cette zone floue située entre Art et Exploitation. Depuis Andy Warhol, un pionnier du genre, plusieurs réalisateurs ont continué l’expérimentation, visitant cet univers bancal et complexe, de Brian de Palma avec Femme Fatale à Steven Soderbergh avec The Girlfriend Experience et Harmony Korine avec Spring Breakers .
Dans chacun de ces films, les cinéastes prennent un risque certain, que ce soit au niveau de la réalisation ou du casting et ces choix ont tendance à aliéner la plupart des spectateurs, tout au moins ceux qui s’arrêtent au premier degré. Par exemple, Femme Fatale ressemblait à un magazine de mode glacé et glamour tandis que Spring Breakers et The Canyons affichent des starlettes dans les rôles principaux – Selena Gomez et Vanessa Hudgens chez Harmony Korine et Lindsay Lohan chez Paul Schrader. Malgré tous ces dangers apparents, ces films parviennent cependant à transcender leur prémisse, s’imposant comme des œuvres singulières et fascinantes ; malgré certaines imperfections notoires, The Canyons ne fait certainement pas exception à la règle.
Situé à Hollywood, The Canyons offre un autre regard sur ce microcosme corrompu et perverti, ce qui est loin d’être une surprise, le script ayant été écrit par Brett Easton Ellis, l’auteur de Less Than Zero, American Psycho et l’un de mes écrivains préférés. Si vous êtes familier avec son univers, vous savez déjà qu’il offre un regard aiguisé sur la décadence moderne – la drogue, le sexe, la cupidité, la vanité et la violence étant des thèmes récurrents dans son œuvre. Ici, il utilise un fils à papa reconverti en producteur de séries B (Christian – James Deen ) et sa concubine (Tara – Lohan ) comme personnages centraux pour offrir un portrait peu flatteur d’un certain segment de Los Angeles. Nous rencontrons une succession de personnages vains, égocentriques et amoraux qui se livrent à divers excès – et pour être honnête, vivant aussi ici, j’ai trouvé cette représentation très réaliste, le film se déroulant même dans quelques endroits que je fréquente plus ou moins assidument.
Si ce regard sur LA n’apporte pas vraiment grand-chose de nouveau (on peut voir The Canyons comme un négatif de la série Entourage), ce qui importe ici est l’atmosphère – Paul Schrader nous enveloppant avec succès dans cet environnement excitant et immoral rythmé par un soundtrack efficace – et la présence de Lindsay Lohan. L’actrice se révèle être le cœur de ce film, offrant une performance étonnamment subtile, sa sensualité et sa personnalité troublée occupant chaque image.
Plus problématique est cependant le cas de James Deen. Contrairement à The Girlfriend Experience dont la star n’était autre que Sasha Grey, il n’y a rien dans cette histoire qui justifie la présence d’une star du porno dans un rôle principal. Si son interprétation s’avère décente – j’avoue ne pas être familier avec le reste de son œuvre –, sa démarche arrogante et détachée lorgne vers le Fonzie de Happy Days. Plus gênante est la tournure sombre que le film prend vers la fin. Peu crédible, elle contraste avec la tonalité de l’ensemble et semble vouloir cacher un manque d’inspiration quant à conclure cette histoire de façon satisfaisante.
Succédant au superbe Spring Breakers, The Canyons est une œuvre plus polarisante et moins aboutie, mais c’est précisément ses défauts et sa beauté sordide qui la rendent si passionnante.
Réalisateur : Paul Schrader – Acteurs : Lindsay Lohan, James Deen – Durée : 1:36 – Year: 2013 – Pays : USA
Fred Thom
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