Festival de Cannes, 67e du nom, c’est fini. Enfin, presque. Alors que les festivaliers passent leur journée à aller voir les rediffusions des films en sélection officielle et de la section Un Certain Regard, programmées sur les deux derniers jours, alors que le Palais s’agite, en pleins préparatifs de la cérémonie de clôture, les pronostics vont bon train. C’est l’occasion pour La Plume Noire de dresser un petit bilan de la compétition et de céder au jeu des pronostics. Et l’occasion de souhaiter un joyeux anniversaire, deux, en réalité, aux Palmes d’or décernées il y a 30 et 20 ans respectivement à Paris, Texas de Wim Wenders (1984) et à Pulp Fiction de Quentin Tarantino (1994). Flash back !
Sils Maria – Olivier Assayas : présenté en toute fin de festival, ce film dresse le portrait d’une actrice mûre (Juliette Binoche) confrontée à la nouvelle génération (Chloë Grace Moretz). Dans une première partie très réussie, on la voit dans son quotidien, de déplacements officiels en retraite en Suisse pour préparer son nouveau rôle au théâtre, mais le film s’attarde surtout sur la relation avec son assistante (Kristen Stewart, excellente) qui se fait l’écho de cette nouvelle génération. Beau retour d’Assyas en compétition, avec un film sur les coulisses du cinéma, habité par des fantômes.
Foxcatcher – Bennett Miller : d’après un fait divers sur l’emprise d’un riche mégalo s’autoproclamant coach d’une équipe de lutteurs en vue des Jeux Olympiques. Un film à la mise en scène ennuyeuse qui ne vaut que pour la performances de son trio d’acteurs, Steve Carell en tête.
Futatsume No Mado – Naomi Kawase : nous avouons être complètement passé à côté de ce film, placé en milieu de festival, mais le peu d’images qu’il nous en reste font penser que l’on tient là un grand film, qui peut largement prétendre au palmarès, voire à la Palme. Nous reviendrons dessus après l’avoir vu en séance de ratrappage dimanche, après que le palmarès aura été dévoilé.
Adieu au langage – Jean-Luc Godard : nous sommes coutumiers à présent du fait. Godard s’affranchit de toutes les règles du cinéma et expérimente la forme comme le récit dans un ovni en 3D qui aurait davantage sa place dans un musée qu’en compétition.
Jimmy’s Hall – Ken Loach : un petit Ken Loach sans grande surprise, simpliste et décevant, malgré le parallèle que l’on pourrait faire entre ce dancing où des villageois se retrouvent pour s’adonner à toutes sortes d’activités tout en sociabilisant, une sorte de centre socioculturel des années 1930.
Leviathan – Andrey Zvyaguinstev : nouveau petit chef d’oeuvre de l’un des plus grands réalisateurs russes du moment. Après Elena, qui dressait un portrait âpre de la société russe et était reparti de la Croisette avec le Grand Prix Un Certain Regard, Zvyaguintsev surprend en instillant de l’humour dans un film qui n’a rien d’une comédie, ce à quoi son cinéma ne nous avait pas habitués jusque là. Toujours servi par une photo magnifique, le film, empreint de mysticisme allégorique, pointe du doigt le pouvoir de l’administration corrompue qui écrase les petites gens, à travers le récit d’une famille installée dans une modeste maison au bord de la mer, que le maire veut faire détruire. Adultère, quotidien morne qu’on trompe en buvant de la vodka et en tirant à l’AK47 sur des cibles, suicide, procès expéditif. La comédie vire subtilement à la tragédie. Magnifique.
Maps To The Stars – David Cronenberg : le 1e véritable frisson que cette édition nous a offert. la meilleure adaptation de l’univers de Brett Easton Ellis. Depuis Mullholland Drive de David Lynch, la plus jouissive des plongées dans l’univers superficiel, grotesque et incestueux d’Hollywood. Après un Cosmopolis irritant, Cronenberg revient et frappe fort, en portant un regard aux apparences dégoûté mais plutôt amusé sur le monde dans lequel il évolue.
Les merveilles – Alice Rohrwacher : un drôle de film sur une famille d’apiculteurs participant à un concours dans le cadre d’une émission de télé réalité. Entre le documentaire et la fable intimiste, le film perd le spectateur en route. dommage.
Mommy – Xavier Dolan : avoir 25 ans et atteindre la maturité artistique. Dolan l’a fait. Hystérique, intelligent, créatif, le film remporte tous les suffrages et fait l’unanimité (il y a juste quelques snobs qui dénient ses qualités pour mieux faire entendre leur voix, mais c’est monnaie courante à Cannes, gageons qu’on les reverra dans un an ou deux retourner leur veste). Dolan excelle dans tous les compartiments : montage, photo, direction d’acteurs, scénario. Une bonne idée à quasiment chaque plan, un film qui emporte le spectateur du rire aux larmes. Presque parfait.
Mr Turner – Mike Leigh : un des nombreux biopics vu cette année sur la Croisette. Timothy Spall dans la peau du peintre William Turner, sorte d’ogre éructant mais plein de sensibilité. Beau et intelligent.
Saint Laurent – Bertrand Bonello : autre biopic de la compétition. Malgré une belle performance de Gaspard Ulliel, malgré une ambiance réussie de l’univers festif des années 1960-70, le film souffre d’un excès de prétention et se perd en route.
Captives – Atom Egoyan : le réalisateur canadien semble avoir 20 ans de retard, avec ce thriller psychologique qui ne vaut que pour son ambiance angoissante et dont les failles ne parviennent pas à disparaître sous les idées de mise en scène, comme ce découpage morcelé du récit.
The Homesman – Tommy Lee Jones : beau western contemplatif sur les souffrances des premiers colons américains. Une bigote cherchant désespérément un mari emmène, de l’ouest vers l’est, en clair, du rêve américain raté aux racines de la civilisation, 3 femmes qui ont sombré dans la démence. Accompagnée d’un désesteur, elle ira jusqu’au bout de ses forces.
The Search – Michel Hazanavicius : le navet de la compétition. Le film véhicule un message des plus niais sur les horreurs de la guerre et sur la cause des orphelins, victimes collatérales de la violence et de la barbarie. Hazanavicius désature les couleurs de son film pour mieux signifier la laideur de la guerre, et Bérénice Béjo ne sait pas jouer, notamment lorsqu’elle se retrouve à passer des coups de film. Une escroquerie.
Timbuktu – Abderrahmane Sissako : entre poésie et horreur, un beau film, bien que bancal, sur l’horreur que fait subir Aqmi aux habitants d’un village au Mali.
Deux jours, une nuit – Jean-Pierre and Luc Dardenne : bien dirigée, Marion Cotillard iradie un film très ancré dans l’actualité, à savoir, la crise qui frappe les petites PME. Certainement le film le plus accessible des frères Dardenne.
Wild Tales – Damian Szifron : autre escroquerie de la compétition. Une série de sketches cruels, avec une absence totale de mise en scène. Certains fonctionnent davantage que d’autre, mais l’ensemble laisse un arrière-goût de blagues Carambar qu’on se raconte au baptème du petit dernier.
Winter Sleep – Nuri Bilge Ceylan : sublime film sur la déliquescence d’un amour entre un riche acteur, retiré en Anatolie dans un hôtel qu’il dirige, et sa femme, plus jeune, passée à côté de sa vie par dépendance à cet amour.
Après avoir passé en revue la compétition officielle, on peut parier sur Xavier Dolan. Le jeune réalisateur pourrait devenir le plus jeune palmé de l’histoire du festival. A la projection officielle de Mommy, standing ovation de plus de 15 minutes. On n’avait pas vu ça depuis Dancer in the dark de Lars Von Trier. Marion Cotillard pourrait remporter le prix d’interprétation, mais les actrices de Dolan représentent de sérieuses concurrentes, tandis que chez ces messieurs, Steve Carell et Timothy Spall sont ceux qui ont le plus impressionné. Cronenberg et Dolan restent les chouchous de la Plume Noire, mais nous retiendrons également les sublimes films du Turc Nuri Bilge Ceylan et d’Andreï Zvyaguintsev, Winter sleep et Leviathan. Encore quelques heures avant le verdict.
Photos : Quentin Tarantino et Chloë Grace Moretz. (c) Moland Fengkov.
Moland Fengkov
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