De la fureur, de la poussière et du sang : Mad Max Fury Road, film culte avant même sa sortie, aidé d’une campagne de communication qui aura tenu en haleine les fans (et au-delà) pendant des mois. Pétard mouillé, énième blockbuster pétaradant dans la mouvance, ou chef d’oeuvre annoncé ? La réponse nous est donnée dès les premières minutes. Aidé d’une photographie criarde, irréelle, proche des teintes des comics, le film démarre sur des chapeaux de roues et happe le spectateur dans une avalanche de scènes d’actions au montage nerveux, durant 30 minutes, sans une seconde de répit.
Lorsque vient la première respiration, après une tempête de sable cataclysmique, l’intrigue s’installe, simple : Furiosa, une femme guerrière, trahit sa tribu menée par un despote dégénéré qui garde dans une salle fermée par une porte de coffre-fort de banque un harem qui lui sert à se reproduire. Elle kidnappe les jeunes beautés pour leur promettre une vie meilleure, là où elle est née, au-delà de terres hostiles tenues par d’autres tribus. S’enchaîne une course-poursuite qui s’étale sur les deux heures du film. Aidées dans leur fuite, les femmes peuvent compter sur Max, le guerrier de la route, réinventé ici par Tom Hardy, taiseux et sauvage à souhait. Réinventé, c’est le mot. Pas une suite aux 3 premiers volets, ni un reboot, Mad Max Fury Road fait penser au deuxième opus, mais en exploitant l’idée de la poursuite infernale sur toute sa durée, quand son modèle ne proposait cette scène qu’en fin de film. De plus, bénéficiant de la technologie moderne, George Miller exploite au maximum les effets. Même s’il assure que les scènes d’actions ont été tournées à l’ancienne, sans fond vert, minimisant l’emploi des effets numériques, le résultat à l’écran s’avère bluffant et largement au-dessus de la tendance actuelle des blockbusters comme Avengers qui cartonnent en salles alors que l’excès de scènes d’actions basées sur un scénario écrit par un enfant de 3 ans devraient les placer dans un simple catalogue de produits tout aussi identiques les uns que les autres.
Ici, Gorge Miller se nourrit de son propre univers pour accoucher d’une œuvre qui fera date, par ses partis pris, son audace, sa radicalité. Bourré de nouvelles idées, cet univers, créé dès les deux premiers volets et devenu une référence de pop culture pour moult autres films, s’enrichit à chaque kilomètre parcouru par les bolides. Les costumes, le design des véhicules, les armes employées : en vrac, des lances explosives, des scies circulaires montées sur grue, un guitariste juché sur un camion balançant des riffs de heavy metal. Pas un hasard, car le film est un trip rock’n’roll sous acide. Pour booster les moteurs et leurs propres muscles, les combattants se dopent à l’essence, et leurs actes sont mus par un nihilisme qui les poussent jusqu’à la mort que nul ne craint. C’est même un Valhalla prometteur qui s’offre aux plus vaillants, ceux qui meurent dans un ultime acte de bravoure. « Soyez témoins », hurlent ceux qui vont mourir, dans un déluge de feu et d’étincelles. Ce dont le spectateur est témoin, c’est d’un objet cinématographique unique, qui ne ressemble à aucun autre. On peut gloser sur le discours écolo-féministe sous-jacent, et débattre sur sa pertinence quand à l’écran les pots d’échappement saturent l’écran de gaz toxiques, ou encore se perdre en conjecture sur le thème de la rédemption (celui de Furiosa, celui de Max, et même celui du personnage joué par Nicholas Hoult, chien fou qui retourne sa veste pour se sacrifier à la cause des femmes en fuite), mais l’intérêt du film ne réside bien évidemment pas là. Il vaut pour l’excitation jouissive de se laisser emporter sur la poussiéreuse route post-apocalyptique que les protagonistes labourent de leurs machines infernales.
Renaissance, après un très décevant troisième volet, Mad Max Fury Road crée un pont entre ses trois aînés et de nouveaux horizons qui pourraient presque faire espérer d’autres suites. Tom Hardy, reprenant le rôle incarné par Mel Gibson au sommet de son art, se fait voler la vedette par Charlize Theron, en Furiosa toute en muscles, souplesse et détermination. La première rencontre entre les deux personnages nous offre un duel au corps à corps à couper le souffle dont la chorégraphie, à l’instar de toutes les scènes d’actions, trouve l’équilibre entre brutalité, réalisme et beauté.
Dès lors qu’on accepte les règles que nous imposent dès les premiers plans le film, avec son esthétique saturée de couleurs, son rythme endiablé, son intrigue minimaliste (après tout, celle du deuxième opus, considéré comme le meilleur, ne l’est pas moins), ses personnages stéréotypés, et qu’on ouvre les yeux pour mieux admirer la balade (qui n’a rien d’une balade, mais davantage d’un Paris-Dakar sous extas), on ne peut que crier au génie. Alors, chef d’œuvre ? Sans doute pas, mais certainement une expérience dont on ne sort pas indemne.
Moland Fengkov
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