Malony est un délinquant ordinaire de Dunkerque. Frêle, blond, yeux clairs, petits délits qui n’excèdent pas le vol de voitures et un absentéisme scolaire forcené. Dans La tête haute d’Emmanuelle Bercot, on est loin du cliché du sauvageon basané de banlieue. On comprend vite que la réalisatrice ne tient pas à stigmatiser une certaine partie de la population. Son film s’intéresse davantage aux métiers de l’ombre qui tentent de sauver ces jeunes du naufrage social : juge, éducateurs. A travers le parcours de Malony, qu’on suit sur une dizaine d’années, qui se veut comme un apprentissage de la vie, Bercot entend rendre hommage à ces hommes et ces femmes, un peu à la manière du Polisse de Maïwenn, dont elle signait le scénario.
Elevé par une mère à la dérive, seule et dépassée, Malony trouve en la personne de la juge pour enfants (Catherine Deneuve) une figure paternelle absente, autoritaire, prête à pardonner, à laisser sa chance, à orienter, à comprendre, à patienter, mais aussi à punir. Et en la personne de l’éducateur (Benoît Magimel) celle du grand frère. La première moitié du film enchaîne donc les séquences, un tantinet répétitives, comme pour mieux souligner le cycle infernal dont l’entourage institutionnel du gamin tente de l’extraire, rythmées par ses conneries, ses passages devant la juge, ses placements en centres d’éducation, sa volonté de s’en sortir, avant de sombrer à nouveau en envoyant tous les efforts balader.
Interprété par Rod Paradot, un acteur non professionnel, issu d’un casting sauvage, Malony constitue le principal intérêt du film. Un personnage fort, agaçant, hystérique, rappelant l’hyperactif de Mommy de Xavier Dolan, mais que la réalisatrice parvient à rendre attachant malgré tout. Le jeune acteur livre une performance impressionnante, dont la violence cache une certaine fragilité.
Seulement voilà : le film souffre d’une écriture trop précise et trop excessive pour qu’on adhère au projet complètement. En voulant se déjouer des clichés, Bercot stéréotype ses personnages et verse dans une démagogie qui prend le spectateur en otage. On voit toutes les intentions de la réalisatrice, appuyées par sa mise en scène trop bien huilée et on devine que la rédemption viendra à la fin du cycle dans lequel grandit Malony. Dès l’apparition de celle qui deviendra sa petite amie, on comprend que l’amour le sauvera, c’est par lui qu’il grandira, qu’il acceptera de prendre ses responsabilités, qu’il saisira sa chance, celle de ne pas reproduire le schéma de la mère, en devenant père lui-même. Psychologie de comptoir, déterminisme des personnages grossier. D’ailleurs, certains personnages flirtent avec la caricature, à l’instar de celui de Sara Forestier, une beauf pleine d’amour mais un peu à la ramasse. L’actrice, affublée de chicots jaunes, en fait des tonnes, ne lésinant pas sur les fautes de français, des fois qu’on aurait pas compris qu’elle manque d’instruction. C’est dommage, car les autres acteurs livrent de belles performances. Au final, le film, bourré de qualités, ne s’en sort qu’à moitié. Dommage.
Moland Fengkov
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