L’histoire reste somme toute des plus banales. Un jeune homme se réveille au lendemain d’une cuite de nouvel an dans son appartement, entre enfant en bas âge et épouse qu’il n’a peut-être jamais aimée : un carcan familial qui renvoie ses souvenirs vers son amour perdu pour une autre, un amour que raconte le film, en une série de va-et-vient dans le récit, entre rencontre dans une soirée, première baise, défonce, vie nocturne dans les clubs ou dans des galeries d’art. Ce que raconte le film, c’est l’histoire d’un couple qui ne sait pas s’aimer, qui se perd par manque de recul, de discernement, de maturité. On pourra de fait reprocher au film la pauvreté de ses dialogues, le manque de charisme de ses personnages, mais ce serait oublier que le cinéma comme la vie ne peut se peupler uniquement de héros et de figures mythiques. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas ce que recherche Gaspar Noé. Le réalisateur cherche davantage à expérimenter de nouvelles formes de mise en scène ou pousser un peu plus loin les pistes que ses précédents films ont déjà explorées. Ici, ce n’est pas par le verbe que son œuvre s’exprime, il a déjà fouillé ce mode d’expression avec la logorrhée de l’anti-héros de Seul contre tous. Noé n’a jamais été un grand théoricien, mais plutôt un savant fou, décomplexé, et somme toute plutôt punk. Son film s’intéresse ici avant tout aux corps. A la forme davantage qu’au fond.
Facétie, caprice d’enfant gâté, l’utilisation de la 3D constitue l’une des pistes exploitées pour magnifier le corps et l’espace dans lequel ils s’inscrivent. Si cette technologie n’apporte rien à la mise en scène, contrairement à sa pertinente utilisation dans Gravity d’Alfonso Cuaron ou Pina de Wim Wenders, deux films sur l’espace, elle offre néanmoins quelques truculents plans faciles mais récréatifs comme cette éjaculation en vue aérienne ou ce gland besognant un vagin vu de l’intérieur, plan déjà présent dans Enter the void. Mais Noé n’a en réalité pas besoin de l’artifice de la 3D pour gérer l’espace. Durant plus de deux heures, Love s’échine à chercher comment inscrire les corps dans le cadre, celui de l’écran, celui des rues filant sous le métro aérien parisien, celui du point G. C’est là que le film livre ses trésors. Tourné principalement dans des espaces confinés, des huis-clos où les personnages sont filmés à hauteur de buste, souvent de dos, le film invite à partager son intimité et déroule une partition léchée en magnifiant les corps, les étreintes, les jouissances. Le tout sur fond de playlist idéale pour s’accoupler, entre Led Zep et Death in Vegas. En clair, Love est un trip rock’n’roll assumant une certaine liberté et une légèreté assumée, rappelée par les petites touches d’humour qui viennent agrémenter le récit, comme ces incursions du réalisateur lui-même, coiffé d’une moumoute, dans le rôle d’un galeriste queutard, ou l’emploi de son prénom pour le personnage du gosse. Une chose reste certaine : le film évite l’écueil de la vulgarité et réussit à décomplexer le spectateur tout en lui communiquant le plaisir de la chair. Bandant.
Moland Fengkov
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