The sea of trees

seaoftreesIl est loin, le temps du cinéma radical et exigent d’Elephant, Gerry ou encore Last days. Gus Van Sant propose, avec The sea of trees, une balade en forêt dans laquelle il perd autant son spectateur que lui-même. Comme si, sous l’ombre des arbres, l’inspiration du génie de Portland se serait égarée.

The sea of trees offre pourtant une idée généreuse et un champ ouvert à son exploitation. La forêt elle-même (elle existe vraiment, dans le Japon du film, au pied du mont Fuji), dans laquelle Nippons et touristes se rendent pour se suicider, constitue un véritable personnage, le personnage principal du film, même. En jetant dans ses bras ses personnages, Gus Van Sant tente de donner vie à un scénario bancal débordant de mysticisme niais, et semble laisser ses protagonistes se démerder seuls. Pas étonnant que ceux-ci se retrouvent rapidement en roue libre, à force de tâtonner dans les frondaisons. Matthew McConaughey, lancé dans ce naufrage sans balise (GVS a oublié de semer des petites pierres sur le chemin), se lance alors, toutes larmes dehors, et bain de boue à l’appui, dans un cabotinage regroupant tous les excès de ses précédentes performances, ridicule à l’outrance.

Il est question ici d’errance, mais on reste abasourdi par le ratage complet du film. Car Gus Van Sant sait pourtant filmer l’errance. De l’adolescence dans les couloirs d’un lycée à celle d’une rock star mélancolique dans une forêt (déjà), en passant par celles d’amis sans boussole dans un désert, le réalisateur avait par le passé transcendé à l’écran les questionnements de l’âme humaine en proposant à chaque fois une véritable leçon de cinéma.

On aurait dû donc le penser en terrain connu avec cette mer d’arbres, prometteuse d’un voyage au long cours dans un univers déjà dompté, mais le film boit la tasse et se noie rapidement. Les incessants flash-backs sur une vie de couple ratée (histoire de justifier l’envie de suicide de l’Américain perdu dans cette forêt cimetière) sont aussi nombreux qu’inutiles, mais on se demande s’ils ne valent pas mieux, comme autant de bouffées d’air, fût-il vicié, que les gesticulations de deux hommes affrontant la nature qui, au passage, ne leur épargne rien. Pour peu, on croirait le scénario écrit pour une saison entière de Man vs. Wild. Avec un questionnement de café du commerce sur la question de la mort en prime, histoire de toucher avec de gros doigts sales une dimension mystique de mauvais aloi. Espérons que Gus Van Sant aura trouvé la sortie de la forêt à son prochain film.

Réalisateur: Gus Van Sant – Acteurs: Matthew McConaughey, Ken Watanabe, Naomi Watts – Durée: 1:50 – Année: 2015 – Pays: Etats-Unis

The following two tabs change content below.
Moland Fengkov

Moland Fengkov

Moland est le représentant officiel de Plume Noire au festival de Cannes. Outre sa passion du cinéma, il est photographe professionel et journaliste freelance.
Moland Fengkov

Latest posts by Moland Fengkov (see all)