69e Festival de Cannes : 10e Jour avec Charlize Theron (c) Moland Fengkov
Dans
The last face, on se croirait presque au Libéria. Le contexte, les habitants, victimes de la guerre, les paysages, on y est. Sauf que Sean Penn se sert de ce cadre pour raconter une histoire d’amour sans jamais parvenir à distiller une quelconque émotion, que ce soit pour ces humanitaires, pour le couple que forme à l’écran Charlize Theron et Javier Bardem, au sommet du ridicule dans une scène de parade amoureuse à base de brossage de dents. Les rôles secondaires ne sont pas en reste, puisque Jean Reno nous gratifie d’une réplique déjà culte :
« It’s not living, it’s loving ». Même les scènes censées plonger le spectateur dans l’horreur ne suscitent qu’au mieux l’indifférence, l’agacement au pire : le massacre d’un village, une césarienne en pleine cambrousse, des tripes en guise de barrière… Et comme filmé à l’aide de filtres hipstamatic. Enfin, on oubliera vite la bande son qui va de la world music illustrative aux compositions insipides d’Hans Zimmer. Nos oreilles saignent encore, surtout après avoir passé la veille en compagnie des riffs de guitares des Stooges et de l’electro sophistiquée, entêtante et délicieusement froide de Cliff Martinez qui signe la bande originale de
The Neon demon de Nicolas Winding Refn… Ratage complet, on se demande ce que ce film vient faire en compétition. A la conférence de presse, l’équipe a fait le job (on a interdit aux journalistes de poser des questions d’ordre personnel, le couple Penn-Theron ayant rompu juste après la dernière édition du Festival, sur les marches duquel il s’affichait encore main dans la main) avant de s’éclipser sans demander son reste. Les échos négatifs à l’issue de la projection presse du matin ont dû arriver dans les oreilles de l’ancien président du jury. Pour parachever cette journée à la défaveur de la cause humanitaire, les plus courageux (ou les pus masochistes) auront enchaîné avec le documentaire de Bernard Henri Levy :
Peshmerga. Sur la lutte des Kurdes contre Daesh.
Heureusement, Asghar Farhadi sauvait cette journée avec Le client. Un couple doit quitter son immeuble qui menace de s’effondrer. Logé dans l’appartement d’un ami, il découvre dans une pièce les affaires de l’ancienne locataire, laquelle avait la réputation de recevoir beaucoup d’hommes. Des mœurs plus que mal vus dans une société iranienne où l’honneur prime. Un soir, une vieille connaissance de l’ancienne locataire pénètre dans l’appartement et agresse la femme. Son mari mène alors son enquête pour retrouver le coupable. Après un égarement en France pour son horrible Passé (qui valut tout de même, on se demande encore pourquoi, un prix d’interprétation à Cannes à Bérénice Béjo), le cinéaste revient à ce qu’il fait de mieux : poser son regard sur le poids des apparences. Magnifiquement interprété, tendu, ne sombrant jamais dans le jugement ni le manichéisme, profondément humain, Farhadi réussit un retour tout en équilibre. Merci.
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Moland est le représentant officiel de Plume Noire au festival de Cannes. Outre sa passion du cinéma, il est photographe professionel et journaliste freelance.
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