A l’écoute des bribes de conversations glanées de ci de là, il apparaît que ce 64e Festival de Cannes aurait proposé une sélection de qualité. Il est vrai que nombre des films pouvant espérer repartir avec la Palme d’Or ont séduit autant le public que la critique. Pour autant, nous n’aurons pas eu le frisson, ce sentiment indicible, à la sortie de la projection, d’avoir découvert une véritable proposition de cinéma, comme avaient pu le faire lors des précédentes éditions des films comme Oncle Boonmee ou My Joy, ou encore Kinatay.
Cette année, Nuri Bilge Ceylan a surpris e proposant une forme de cinéma exigeante et différente des codes habituels, avec un polar flirtant avec le fantastique. Almodovar se libère de ses carcans et explore d’autres genres comme le thriller. Loin de ses extravagances stylistiques, Miike signe un film de samuraï sobre, élégant, et fin. Kaurismaki fait du Kaurismaki à la française, tandis que Maïwenn réunit une belle famille d’acteurs. Communauté également, chez Bonnelo et ses prostituées… La récréation jouissive de Drive (Nicolas Winding Refn) se démarque au milieu de la sélection, tandis que Moretti transcende Piccoli en pape plus humain que jamais.
Et pourtant, aucun de ces films n’aura fait parcourir un frisson de bonheur le long de l’échine. Même les scandales annoncés n’ont pas provoqué les polémiques attendues. Michael reste suffisamment sobre et intelligemment pudique pour éviter le coup de provoc, Sleeping Beauty se révèle n’être qu’un pétard mouillé, creux et vain, et We need to talk about Kevin se perd dans sa mise en scène trop sophistiquée pour être honnête. Cette année à Cannes, le scandale ne venait pas des salles obscures. Il a fallu le chercher outre-Atlantique, avec l’affaire DSK, à la une de toutes les presses, éclipsant les montées des Marches, renvoyées à leur futilité, à leur superficialité. Le scandale, il est venu d’une salle de conférence de presse, de l’esprit embrouillé de Lars Von Trier, déclaré persona non grata par les organisateurs. Le scandale tant attendu, sans lequel un Festival de Cannes ne serait pas ce qu’il est et ce pour quoi on l’aime en partie, il a fallu le chercher dans la réalité. Une réalité qui semble loin de cete bulle, mais qui s’est immiscée dans l’enceinte du palais, par la voix du réalisateur danois.
Et pourtant… Les deux seuls oeuvres qui continuent d’habiter les mémoires, au milieu du brouillards vaporeux provoqués par l’overdose de films, sont des petits chef-d’oeuvre. L’un raté, l’autre condamné à l’opprobre par son auteur même. Tree of life, de Terrance Malick, donc, et Melancholia, de Lars Von Trier. Deux films qui auraient pu prétendre à la Palme d’or, par leur maîtrise technique stylistique et thématique. Deux oeuvres complémentaires, qui se répondent, l’un constituant le pendant sombre et négatif de l’autre, tous deux s’interrogeant sur la place de l’Homme dans l’univers, dans le cosmos, et proposant un cinéma unique, ne souffrant aucune comparaison possible.
Et si, pour parfaire le caractère historique de cette édition, la Palme était remise à un auteur absent ? Malick, absent lors de la Montée des Marches. Trier, interdit de séjour… Ce serait une première.
En attendant le verdict de Mister De Niro, voici nos pronostics.
Palme d’or : “Le Havre” (Palme du coeur : “Melancholia“).
Grand prix : “Pater” (Grand prix du coeur : “Tree of life“).
Prix du jury : “Habemus papam” (Prix du jury du coeur : “Habemus papam“).
Prix d’interprétation féminine : Tilda Swinton (du coeur : Kirsten Dunst).
Prix d’interprétation masculine : Michel Piccoli (du coeur : Brad Pitt).
Prix de la mise en scène : “Il était une fois en Anatolie” (du coeur : idem).
Prix du scénario : “La piel que habito ” (du coeur : “Hara-kiri“).
Moland Fengkov
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