Paradis : Amour

Premier volet d’une trilogie mordante, Paradis : Amour porte ironiquement son titre puisqu’il ne sera question que de relations tarifées. Narrant les aventures d’autrichiennes en goguette dans un club de vacances au Kenya, le film explore de nouveau la marchandisation des corps, déjà traitée dans Import/Export.

Premier constat : la portée subversive de Seidl se dissout dans le ressassement de ses détestations. Avec une propension à caricaturer ses contemporains, ses films tournent systématiquement au jeu de massacre. L’humanité se distribue entre dominants et dominés, ceux qui ont le pouvoir et les autres, prompts à abdiquer toute dignité pour quelques deniers. Gros, vieux, ridés ou d’une beauté insolente, les corps et leur commerce occupent tout l’espace du film.

Pour pimenter son séjour en Afrique, une mère de famille mature se laisse convaincre de s’offrir les faveurs sexuelles de beaux autochtones. Elle se laisse embobiner par un beau parleur qui lui soutire toujours plus d’argent, avant de mettre brutalement un terme à leur relation.

Sa quête sincère d’amour évite que l’on ne méprise complètement le personnage. Mais Seidl épingle les comportements racistes avec la délectation sadique d’un entomologue. Allongés sur des transats, ces touristes ressemblent à des mourantes, animées par les ultimes soubresauts de leurs pulsions vitalistes. Le sexe se monnaye, sous couvert de sentiments authentiques. Mais notre mère de famille découvrira à ses dépends qu’on ne peut acheter l’amour. Faible morale de l’histoire pour un film qui aurait pu être méprisable s’il n’avait été si convenu dans son propos.

Car sur le thème remâché du tourisme sexuel, Seidl ne se distingue pas par la force de sa mise en scène, bien au contraire. Sa séquence d’ouverture tout à fait gratuite (des handicapés s’éclatent dans des auto-tamponneuses) place d’emblée le film sous un jour détestable. Mais les provocations de l’Autrichien font long feu et en l’espace de quelques plans, on investit rapidement le registre du pathétique. Ces femmes seront donc pitoyables alors qu’elles pensent détenir le pouvoir. C’est l’objet de la scène de fin, ce violent camouflet que reçoit l’héroïne. En désespoir de cause, elle jette son dévolu sur le barman de l’hôtel qu’elle avait humilié avec ses amies. Mais une fois au lit, l’homme se refuse à aimer ce corps qui lui est offert, par dégoût peut-être, dans un ultime sursaut de dignité sûrement. Cette fin cruelle corrobore l’idée que Seidl n’a que peu d’empathie pour ses personnages. De sorte que toute son entreprise ne vaut guère mieux, au fond, que les innombrables reportages sur ces femmes crédules, à la recherche de l’amour dans des contrées exotiques et qui finissent inéluctablement seules et désabusées.

Réalisateur: Ulrich Seidl – Acteurs: Margarete Tiesel, Peter Kazungu – Durée: 2:10 – Année: 2012 – Pays: Autriche

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Sandrine Marques

Sandrine Marques

Sandrine vit à Paris, est journaliste freelance et écrit passionnément sur le cinéma.
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