Des Hommes Sans Loi

Avec The Proposition, un western aussi cérébral que physique, John Hillcoat réalisait un intrigant film à trous. Ponctuée d’ellipses, sa fiction orchestrait la rencontre brutale et parfois malhabile de blocs narratifs disjoints. A ses trouées du récit correspondaient visuellement les nombreux impacts de balles. Grevant les décors dans des séquences de gunfights viscérales, les balles ouvraient des percées dans lesquelles s’engouffrait l’intrigue.

Avec Des Hommes Sans Loi, le réalisateur prend l’exact contrepied de The Proposition, en ayant de cesse de combler les béances. C’est peut-être là curieusement la faiblesse du film qui a pour toile de fond la Prohibition. Trois frères entendent régner sans partage sur le marché de l’alcool clandestin. Brave-la-mort, leur épopée leur vaut le statut d’immortels. Mais quand un agent du FBI se met sur leur chemin s’engage une lutte sanglante. Les séquences s’enchaînent ici sans ces absences fictionnelles qui participaient à l’étrangeté de The Proposition. Sur un scénario de Nick Cave, fidèle compagnon de route du réalisateur, l’intrigue se déploie sur un mode traditionnel que secouent de fulgurantes bouffées de violence.

Les femmes adoucissent l’univers masculin brutal du film. Dans le rôle d’une ancienne strip teaseuse qui aspire à changer de vie, Jessica Chastain illumine cet anti Boardwalk Empire. A l’artificialité de la série s’oppose l’évidence et la matérialité des décors naturels qu’embrasse la caméra de Hillcoat. L’ombre tutélaire de Ford plane sur le projet : « Si la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende ». Hillcoat en filme tous les aspects saillants. Quand il est égorgé et laissé pour mort, l’aîné de la fratrie marche sur 30 km pour se rendre à l’hôpital le plus proche. Du moins, c’est ce qu’on laisse à penser au spectateur avant de découvrir que c’est sa compagne qui l’a emmenée en voiture. On retrouve ici le goût pour l’ellipse qui fait la force et le style du cinéma de Hillcoat. Mais la légende résiste et cette croyance est contagieuse jusqu’au bout. Shia le Bœuf, Tom Hardy et dans le rôle de l’agent vicieux, Guy Pearce (qui opère ici une nouvelle métamorphose) composent un excellent casting masculin. On regrettera alors d’autant plus que la mise en scène de Hillcoat se soit assagie jusqu’à frôler l’académisme ou encore la formule. Les trouées sont autant de brèches où aime s’engouffrer l’imaginaire…

Réalisateur: John Hillcoat – Acteurs: Tom Hardy, Guy Pearce – Durée: 1:50 – Année: 2012 – Pays: USA

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Sandrine Marques

Sandrine Marques

Sandrine vit à Paris, est journaliste freelance et écrit passionnément sur le cinéma.
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