Cannes 2014 : Glamourama

*legende* Monica BellucciD’aucuns ont salué  Saint Laurent  comme un chef d’oeuvre. Les mêmes sans doute qui encensaient L’Apollonide lors de la précédente participation de Bertrand Bonello au Festival de Cannes, pour mieux se rendre compte, un ou deux ans plus tard, qu’ils l’avaient surestimé. C’est ce qu’on soupçonne à la vision de cette version qui propose de s’attarder sur les années fastes du couturier, ses années de folie, festives. Mais il ne faut surtout pas oublier qu’un film avec Louis Garrel à l’affiche ne peut pas être réussi, l’acteur jouant toujours de la même façon, quel que soit le personnage qu’il incarne. Dommage, car Gaspard Ulliel s’en sort avec brio et rejoint du coup les rangs des sérieux prétendants au prix d’interprétation, aux côtés de Timothy Spall dans la peau du peintre William Turner, un autre biopic (le 3e de la sélection officielle, avec celui de Grace de Monaco). Chef d’oeuvre, donc ? Assurément, non !

*legende* Tommy Lee JonesSans bousculer les grands mots, nous pouvons affirmer que le premier véritable frisson nous sera venu depuis le Walk of fame, à Hollywood. Dans Map to the stars de David Cronenberg, on s’adonne au name dropping dans les soirées où les jeunes stars en devenir s’amusent à bitcher sur leurs confrères, à base de gossips aussi croustillants les uns que les autres. On y voit une actrice vieillissante assise sur la cuvette de ses toilettes pétant devant son assistante, un acteur abattant le chien d’un pote lors d’une soirée arrosée, une immolation au bord de la piscine, un défonçage de crâne à coup de statuette… Autant de détails qui égaient une plongée dans le monde incestueux et consanguin du cinéma américain, cynique et schizophrène. Le rire grinçant que déclenche le regard acerbe de Cronenberg sur le royaume de l’illusion et des vanités superficielles se télescope aux saillies de violence les plus trash. Très proche de l’univers de Bret Easton Ellis. Jouissif comme les lumières qui attirent tous ces papillons prêts à s’étriper pour un peu de gloire. Cronenberg réussit son Mullholland Drive en y exploitant ses thèmes favoris : cérébral et charnel, son film sonne comme une farce, dont la chute glace le sang comme le papier des magazines.

300-1Le glamour du Festival de Cannes, c’est aussi l’amour qu’on peut porter aux acteurs. S’il y en a q’on aime détester, il y en a d’autres à qui on pardonnera tout, même de jouer dans  un sombre navet projeté en “séance spéciale”  à minuit. Eva Green, en veuve muette dans le hideux The Salvation de  Kristian Levring, fait partie de ces gens-là. Beauté diaphane, presque gothique, elle ne sauvera le western dont les effets visuels ont été réalisés à la truelle, mais aura eu le don de nous tenir éveillé jusque 2h du matin. Rien que pour le plaisir de la croisée en bas des marches du palais, l’épreuve valait la peine d’être subie.

Après une 4e journée de festival placée sous le signe de la déception (Saint Laurent de Bertrand Bonello,  Les Merveilles d’Alice Rohrwacher, qui vaut tout de même pour sa séquence kitsch avec une Monica Bellucci déguisée en fée étrusque, The Salvation de Kristian Levring), on aura enfin eu le plaisir de frissonner en salles : d’abord avec The Homesman de Tommy Lee Jones, un magnifique western sur le cauchemar américain des pionniers, empreint de religion et servi par une Hilary Swank héroïque et un Tommy Lee Jones autant à l’aise dans la pitrerie de poivrot fatigué que dans la violence froide mue par l’honneur. Ensuite, avec la virée de Cronenberg dans l’enfer d’Hollywood. Un film qui ne risque pas, gageons-le, de retenir l’attention de la présidente Jane Campion, mais qui pourrait trouver en Nicolas Winding Refn un défenseur zélé.

*legende* Hilary SwankRéplique du jour : “Si vous n’aimez pas les blasphèmes, n’invitez pas d’homme à votre table.” (The Homesman, de Tommy Lee Jones).

 

Photos : Monica Bellucci, Tommy Lee Jones, Eva Green, Hilary Swank. (c) Moland Fengkov.

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Moland Fengkov

Moland Fengkov

Moland est le représentant officiel de Plume Noire au festival de Cannes. Outre sa passion du cinéma, il est photographe professionel et journaliste freelance.
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