Cosmopolis

Le capitalisme vu comme un vampire qui suce le sang de la société. Ecrit quelques années avant la Crise qui bouleversa la fin de la première décennie du 21e siècle, le roman de Don DeLillo se voulait visionnaire. En 6 jours, David Cronenberg en écrit une adaptation pour livrer une œuvre glacée et anxiogène qui renoue avec son univers hanté par des êtres sans vie assoiffés de sang, de sexe et d’argent.

Le choix de Robert Pattinson, vampire sexy en pleine reconversion post-Twilight, se justifie, et le bellâtre s’en sort très bien dans son complet de golden boy cynique recevant ses assistants les uns après les autres dans sa limousine pour mieux les jeter comme des kleenex après les avoir consommés. Présent dans tous les plans, il passe d’un registre à l’autre avec une impressionante aisance, jouant de ses charmes imparfaits et insufflant la mort en puissance à son personnage avec subtilité.

Cosmopolis se déroule sur une journée. Erick Packer, jeune multimilliardaire, compte parmi les maîtres de la haute finance mondiale. Sa préoccupation du jour porte sur une transaction sur le yuan. Autant dire que, retranché dans le silence ouateux de son véhicule de luxe (superbe travail sur le son confiné de l’habitacle), il vit le monde coupé de la réalité, à travers la vitre teintée, par le truchement d’écrans de contrôle, par l’intermédiaire du récit de ses assistants. Il sort peu de la limousine, si ce n’est pour s’obliger à déjeuner avec sa femme, juste pour faire comme tout le monde, en clair, pour se donner un semblant de vie.

Les dialogues, logorrhéiques, empruntés tels quels au roman de DeLillo, dénotent avec l’atmosphère confinée de la voiture, pour mieux combler la béance existentielle des personnages. Leur contenu, abscons, étourdit le spectateur, et on finit par se demander si les personnages eux-mêmes se passionnent pour les sujets qu’ils abordent.

Il y a dans le film de Cronenberg quelque chose qui relève de la vacuité. La limousine, unique décor de l’intrigue, file à travers les embouteillages, lentement, silencieusement, mais inexorablement. Fatalement, presque. Tombeau mobile, cette unité de lieu provoque un sentiment de claustrophobie que chaque rencontre parvient à peine à dissiper. Les images de l’extérieur, filmées, confèrent à l’ensemble du décor un aspect toc plutôt gênant, même si on comprend bien l’intention du cinéaste : mettre en scène le vide de l’existence de Packer.

Dialogues abscons et théories fumeuses finissent par perdre le spectateur qui finit comme le personnage principal lorsqu’il assiste à l’assassinat du patron du FMI : indifférent. A force de systématiser, non sans une certaine maîtrise, l’inanité de la vie de ses personnages, la mise en scène de Cronenberg finit par tourner à vide et à perdre en chemin tout l’intérêt que le spectateur pouvait lui porter. C’est d’autant plus dommage que le film contient tous les éléments qui pouvaient coller à l’univers du réalisateur.

Réalisateur: David Cronenberg – Acteurs: Robert Pattinson, Samantha Morton – Durée: 1:48 – Année: 2012 – Pays: USA, Canada

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Moland Fengkov

Moland Fengkov

Moland est le représentant officiel de Plume Noire au festival de Cannes. Outre sa passion du cinéma, il est photographe professionel et journaliste freelance.
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