Dans la Brume

dans la brumeSergeï Loznitsa avait déjà signé My Joy, un premier long métrage qui relevait du chef d’œuvre, hélas à côté duquel le jury du Festival de Cannes édition 2010 était complètement passé. Pour autant, les sélectionneurs du même festival ont su se laisser séduire par l’univers extrêmement exigeant de ce réalisateur venu du monde du documentaire, en proposant sa seconde œuvre de fiction en compétition officielle, deux ans plus tard. C’est donc avec une certaine fébrilité que quiconque s’est laissé subjuguer par la force narrative et formelle de My Joy ira voir Dans la Brume.

Pour autant, Sergeï Loznitsa ne reste pas sur ses acquis et abandonne la mise en scène circulaire de My Joy pour faire avancer le récit de son nouvel opus de façon plus linéaire, plus classique. Beaucoup moins expérimental que son prédécesseur, Dans la Brume avance d’un pas languide vers son dénouement : durant la Seconde Guerre Mondiale, deux soldats russes emmènent un homme accusé de trahison dans la forêt pour l’exécuter. Pourtant, l’homme s’avère innocent. L’occasion de questionner la morale avec une  majuscule.

On pourra regretter les audaces de mise en scène de My Joy, mais les amateurs se délecteront de l’atmosphère envoûtante qu’on retrouve dans ce second film. Eclairé par le chef opérateur du génial Cristian Mungiu, ce drame humain sur la question de la culpabilité, filmé dans l’hiver aride de la forêt, invite le spectateur à la réflexion, à mesure que les protagonistes évoluent dans un décor minéral, quasiment en temps réel. Réaliste en diable, âpre tant dans sa forme que dans son rythme, il ouvre pourtant le champ de l’imaginaire en exploitant avec maestria les hors-champs. Taiseux, le film trouve sa force dans ses clairs-obscurs et dans sa bande-son, et son apparente austérité englobe le sublime de sa mise en scène. Construit en de longs plans-séquences, Dans la Brume se regarde comme un chemin de croix, celui des personnages qui cheminent vers la voie de la sagesse, celui du spectateur qui doit mettre tous ses sens en éveils pour appréhender toute la beauté subtile de l’œuvre.

Réalisateur: Sergeï Loznitsa – Acteurs: Vladimir Zvirskiy, Vladislav Abashin, Sergeï Kolesov – Durée: 2:10 – Année: 2012 – Pays: Russie, Lettonie, Allemagne, Pays-Bas

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Moland Fengkov

Moland Fengkov

Moland est le représentant officiel de Plume Noire au festival de Cannes. Outre sa passion du cinéma, il est photographe professionel et journaliste freelance.
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