Gatsby Le Magnifique

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Projeté en ouverture du 66e Festival de Cannes, Gatsby le magnifique de l’Australien Baz Luhrmann ne pouvait pas faire mieux pour remplir cet office. Une véritable mise en abyme du grand ragout du 7e Art, avec grands renforts de paillettes, de fêtes superficielles où tous les beautiful people se bousculent pour s’émerveiller des pluies de confettis et du ciel déchiré par les feux d’artifices, ne laissant dans le sillage de la party que la vacuité du lieu, habité par un fantôme sur lequel circulent les légendes les plus folles : Gatsby, le maître du château.

Servi par une 3D vertigineuse, le film s’amuse à se perdre dans le tourbillon de ses plans aériens et virevoltants au-dessus de la bourgeoisie de Long Island, tout en oscillant entre laideur numérique et grandiloquence esthétique. Dans une première partie du film, Lurhmann mise tout sur ces tableaux hauts en couleurs, criards et bariolés, pour dresser le portrait de l’Amérique d’avant la Crise, celle des années 20 encore insouciantes, où la bourgeoisie se perd dans les plaisirs et l’ivresse de la fête sur le dos des petites gens et des minorités : ceux qui triment, littéralement au charbon, pour alimenter la ville en électricité, ceux qui récupèrent les coupes à champagne au fond de la piscine quand les fêtards ont quitté la piste, à bord de leurs bolides de luxe vrombissants. Au milieu de cette société libérale naviguent Gatsby, le mystérieux milliardaire qui organise ces soirées. Il introduit dans son univers son voisin, un romancier raté reconverti en courtier modeste. Il révèle rapidement à ce confident qu’il s’intéresse surtout à sa cousine, mariée à un fils de l’une des familles les plus riches de l’époque, et qu’il veut reconquérir après cinq années d’absence, pour cause de Première Mondiale.

Le film bascule alors dans le mélo qui ne peut s’achever que sur un drame à la Roméo+Juliette. Si la musique, omniprésente, sert d’ossature à l’ambiance anachronique et moderne de la reconstitution de l’Amérique des Années folles, donnant des airs de clips de rap US aux grandes sauteries mais en réussissant beaucoup moins bien l’exercice que dans Moulin Rouge, le film ne s’en sort pas davantage quand il abandonne sa légèreté pour glisser vers le pathos. Les personnages se dessinent avec grossièreté, du jeune et frêle confident à l’amante fragile, en passant par le méchant mari pour finir sur le héros névrosé et rêveur. A ce titre, nous ne sommes pas sûrs de retrouver là un DiCaprio au sommet de son art, comme il peut si bien s’y placer chez Scorcese, par exemple. En forçant le trait, en assenant à l’envi les idiolectes de son personnage, il dessine un Gatsby pathétique et loin du charisme que lui prêtent les convives de ses fêtes qui construisent à coups de gossips sa légende. Aussi faux que la vie que ce romantique s’invente, le jeu de DiCaprio tourne rapidement à vide, et reflète finalement la vanité de l’époque tout comme celle des scènes qui la représentent. Inconsciemment, le film accorde son propos à sa forme, ce qui laisse comme le sentiment de s’être fait escroqué. Ou tout du moins, trompé sur la marchandise. Tout comme la cour de Gatsby. Tout comme Gatsby lui-même, perdu dans ses mensonges.

Réalisateur: Baz Lurhmann – Acteurs: Leonardo DiCaprio, Carey Mulligan, Tobey McGuire – Durée: 2:22 – Année: 2013 – Pays: Australie, USA. 

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Moland Fengkov

Moland Fengkov

Moland est le représentant officiel de Plume Noire au festival de Cannes. Outre sa passion du cinéma, il est photographe professionel et journaliste freelance.
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