Le carton qui ouvre le générique sonne comme une excuse. Le film que vous allez voir est donc une fiction qui s’inspire de faits réels. Non, Hitchcock ne se déplace pas sur le Rocher pour remettre en main propre le scénario de Marnie à Grace de Monaco. Non, De Gaulle n’assiste pas au bal de la Croix Rouge. Grace de Monaco d’Olivier Dahan prend donc des libertés avec l’Histoire, pour mieux prétendre au statut d’oeuvre de cinéma. A celui d’oeuvre universelle, même, selon les propos du réalisateur lors de la conférence de presse donnée au 67e Festival de Cannes, dont le film assurait l’ouverture. Soit. Pourquoi pas ? Ne parlons donc que de cinéma. Il est vrai que le destin de l’actrice devenue princesse contient tous les éléments d’une légende, d’un conte de fée qui dépasse la fiction. Le film commence d’ailleurs plutôt bien. Sa scène d’ouverture annonce la couleur, épousant le technicolor de l’époque (les années 1960), offrant un élégant plan-séquence suivant l’actrice, à la fin d’une prise, jusque dans sa loge, avant d’enchaîner sur des plans aériens de route de montagne, augurant la fin tragique de Grace. Mais on ne tarde guère à déchanter, quand rapidement, l’intrigue bascule dans le dramatique à outrance. Intrigues à la cour ! Dahan fait passer une micro crise politique pour une Troisième Guerre Mondiale annoncée. Enlisée dans la Guerre d’Algérie, la France veut taxer Monaco pour financer sa guerre. Devant le refus du prince Rainier, De Gaulle menace d’envahir le Rocher. Grace s’en mêle, renonçant à son retour au cinéma pour mieux servir sa nouvelle patrie.
Sur le papier, cette histoire aurait pu fonctionner, si la mise en scène ne s’était pas avérée si catastrophique. La direction d’acteur sacrifie d’excellents comédiens en caricaturant malgré elle leurs personnages respectifs. L’interprétation de Tim Roth se réduit à une gestuelle, une pause, la cope à la main ou au bec, tandis que Nicole Kidman fait ce qu’elle peut avec des lignes de dialogue écrites par un ado mièvre. Le discours de Grace au bal de la Croix Rouge restera dans les annales des tirades les plus ridicules du cinéma, avec des violons en bande sonore histoire de bien souligner qu’il s’agit d’une séquence émotion, et cette scène où Grace répète dans sa chambre des lignes de texte du script de Marnie rappelle celle de l’audition dans Mullholland Drive de David Lynch, sauf qu’elle en représente l’antithèse. La plupart des personnages secondaires, de la gouvernante au rictus figé au bureaucrate véreux, en passant par les grandes figures historiques que sont Hitchcock ou De Gaulle, se retrouvent réduits à des caricatures monolithiques.
Au rayon des rebondissements, l’intrigue ne nous épargne rien : trahison, complots, espionnage, crise politique menaçant d’anéantir l’identité de la Principauté. Toutes les intentions du réalisateurs suintent à l’écran, comme ces plans où Grace se reflète dans des miroirs, pour mieux figurer le dilemme qui déchire son être : épouser son rôle de princesse ou reprendre sa vie d’actrice, sauver sa famille ou son âme. Dahan veut en faire une héroïne romantique, mais ne parvient qu’à tourner en ridicule cette grande légende du cinéma. Complètement raté.
Réalisateur: Olivier Dahan – Acteurs: Nicole Kidman, Tim Roth, Jeanne Balibar – Durée: 1:43– Année: 2014 – Pays: France
Moland Fengkov
Latest posts by Moland Fengkov (see all)
- Loving - February 15, 2017
- American honey - February 8, 2017
- The Last Face - January 11, 2017
j’ai aimé ce film…