Jimmy P.

20542767_20130705182951232300Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, Jimmy Picard, un indien blackfoot ayant combattu en France, se voit admis à l’hôpital militaire de Topeka, au Kansas, un établissement spécialisé dans les maladies du cerveau. Souffrant de nombreux troubles, comme le vertige, la cécité temporaire et la perte d’audition, il reste un mystère pour les médecins qui, faute de trouver des causes physiologiques, diagnostiquent la schizophrénie. La direction décide néanmoins de consulter un ethnologue et psychanalyste français, spécialiste des cultures amérindiennes : Georges Devereux. Adapté du livre Jimmy P. (psychothérapie d’un Indien des plaines), le premier film en terres de l’Oncle Sam d’Arnaud Desplechin narre la rencontre entre ces deux hommes qui n’auraient jamais du se rencontrer et qui n’ont rien en commun. C’est, en substance, bien évidemment le récit de leur amitié.

Dès le premier plan, on comprend qu’Arnaud Desplechin se voit pousser des ailes. En posant sa caméra aux Etats-Unis, il caresse le doux rêve d’explorer les terres mythiques du cinéma américain. Les paysages de western habitent le plan, sur fond de notes exécutées à la flûte. Il veut faire à la manière des grands réalisateurs qu’il vénère. Il veut rendre hommage, il veut se montrer digne de l’espace qui s’offre à son cadre. Confiant dans cette entreprise, celle de sortir du microcosme parisiano-parisien de ses précédents opus, il avance et ne s’interdit des audaces formelles, comme celles de mettre en scène les rêves du patient Jimmy P. Sa confiance repose sur un casting solide, le duo que forme Mathieu Amalric et Benicio del Toro en tête, et sur une histoire vraie couchée dans les pages du livre de Devereux lui-même. De quoi alimenter les nombreux dialogues entre le psychanalyste et son patient qui structurent le récit.

Seulement voilà : les dialogues tournent rapidement au verbiage et dans leur souci de camper avec perfection leur personnage respectif, Amalric et del Toro frisent la caricature. Le premier roule ses yeux pour signifier son enthousiasme à chaque étape franchie dans la thérapie, à chacune des découvertes qu’ils font ensemble, tel un savant fou résolvant des équations absconses les unes après les autres, tandis que l’autre abuse d’un débit de parole monocorde et monotone pour bien exprimer tout le mal mystérieux qui le ronge de l’intérieur et l’anéantit. Le procédé fonctionne au début, et se permet même de belles promesses, mais on déchante rapidement, puisque petit à petit, au gré des rencontres, des consultations, qui se succèdent sans rythme, l’ennui finit par poindre pour définitivement s’installer. Les personnages secondaires se retrouvent rapidement relégués au rang d’accessoires scénaristiques et dramatiques, et puisqu’il ne nous reste plus que le haut de l’affiche et que ce duo nous perd dans leurs bavardages, il ne reste plus grand-chose du film.

En outre, Desplechin oublie ce pour quoi il avait décidé de faire voyager son cinéma. L’exploration de l’espace, des territoires, que promettait le premier plan, n’aura pas lieu. L’hôpital, décor puissant, véritable personnage, ne sera jamais exploité autrement que comme simple cadre de l’intrigue. En clair, Desplechin rate son coup d’essai américain et on se demande finalement si son cinéma ne fonctionne pas uniquement dans le microcosme des boudoirs bourgeois de la capitale française.

Réalisateur: Arnaud Desplechin – Acteurs: Mathieu Amalric, Benecio del Toro, Gina McKee – Durée: 1:57 – Année: 2013 – Pays: Etats-Unis

 

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Moland Fengkov

Moland Fengkov

Moland est le représentant officiel de Plume Noire au festival de Cannes. Outre sa passion du cinéma, il est photographe professionel et journaliste freelance.
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