Après de récents longs métrages en demi-teinte, Thomas Vinterberg revient à la source tourmentée de Festen, son succès critique. Passant d’une famille ébranlée par une histoire d’inceste à la peinture d’une communauté, déboussolée par une affaire de pédophilie, le réalisateur se contente de transposer dans un autre contexte ses inquiétudes.
Accusé d’avoir abusé sexuellement de jeunes enfants sur la base des déclarations fantaisistes de Klara, la fille de son meilleur ami, un animateur se voit ostracisé. Le film décrit l’engrenage infernal dans lequel se retrouve entraîné l’homme. Du soupçon à la certitude farouche qui conduit à des représailles violentes, la communauté le condamne sans appel. Sa petite amie se détourne de lui, les commerçants refusent de le servir, son fils est harcelé. S’engage alors pour lui un véritable calvaire que met complaisamment en scène Vinterberg.
Pour prouver son innocence aux yeux des villageois, l’accusé ne reculera devant aucune humiliation. Molesté, jeté à plusieurs reprises dehors, blessé, il se transforme, sous la caméra de Vinterberg, en martyr. Une posture aussi pathétique qu’insupportable. Le film est contenu tout entier dans cet aberrant chemin de croix. Mads Mikkelsen se prête à cet exercice masochiste avec le même investissement physique remarqué dans ses rôles précédents (Le Guerrier silencieux). Mais son implication ne suffit pas à l’emporter sur l’écoeurement que provoque peu à peu le sinistre tableau d’habitants, rattrapés par leurs basses pulsions.
Le problème est à chercher du côté d’un scénario prévisible. Ne ménageant aucune zone d’ombre, notamment relativement à l’innocence du héros, le film navigue à vue jusque dans l’ultime scène de chasse. Blanchi et de nouveau intégré, le personnage principal reste suspect aux yeux des siens. Pris pour cible, il ne sera plus jamais en sécurité. Pédophile un jour, pédophile toujours en somme. Telle est la conclusion de ce film ni fait, ni à faire. On regrettera d’autant plus le dispositif de Festen qui participait à la force du film. Ici, la platitude de la mise en scène n’a d’égale que le malaise que provoque insensiblement cette purge. L’épilogue paresseux achève de plomber l’ensemble.
On pense à la manière dont un Fritz Lang avait pu mettre en scène des représailles collectives dans Furie. A aucun moment, le film nauséeux de Thomas Vinterberg ne sort de l’ornière complaisante et voyeuriste dans laquelle il se vautre dès les premiers plans. Si les enfants ne mentent jamais, le talent de Vinterberg, lui, semble relever au fil des années de l’imposture.
Réalisateur: Thomas Vinterberg – Acteurs: Mads Mikkelsen, Thomas Bo Larsen – Durée: 1:51 – Année: 2012 – Pays: Danemark
Sandrine Marques
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Je n’ai pas vu La chasse, justement car tout me portait à croire que le film s’aventurait sur un terrain trop proche de Festen. Ce film ne peut donc que me décevoir et vous me confortez dans cette intuition.
Je me pose tout de même une question. Vous dites “le talent de Vinterberg semble relever au fil des années de l’imposture.” Mais n’est-il pas préférable d’avoir réalisé un “Festen” et des “La Chasse” que plusieurs films honorables de bonne facture ?
Festen est un des films qui restent, qui nous accompagnent à jamais.