Ma vie avec Liberace

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Steven Soderbergh boucle la boucle en s’offrant une virée aux sources du bling bling. En compétition officielle du 66e Festival de Cannes, Ma vie avec Liberace est annoncé comme son dernier film avant une retraite momentanée de la scène. C’est donc sur les terres qui couronnèrent d’une Palme d’or sa première œuvre qu’il revient pour présenter, en guise de cadeau d’adieu, le biopic d’une star de Las Vegas qui rappelle dans une certaine mesure Sexe, mensonges et vidéo, puisque, si l’esthétique et les univers des deux films diffèrent, ils abordent les mêmes thèmes chers au réalisateur : le paraître, le mensonge et des personnages profondément seuls derrière la façade publique.

Inspiré de la véritable vie de Liberace, un pianiste virtuose et populaire de la fin des années 70 assurant des shows pour mémés, connu pour compter parmi les précurseurs de stars comme Elton John, Ma vie avec Liberace offre l’occasion à Michael Douglas et à Matt Damon de jouer avec leur image, en folles kitsch à la limite de la caricature mais jubilatoirement ludiques dans leur interprétation. Le premier incarne cette figure du spectacle, généreuse en amour et en cadeaux, mais vénéneuse quand elle se transforme en Dr. Frankenstein pour façonner son amant à son image, à grands coups de scalpels, avant de s’en délaisser comme d’une vieille chaussette. L’histoire s’étale tout de même sur 10 années d’une vie commune au milieu du faste clinquant de l’univers du pianiste. Une vie de couple faite de tendresse, mais aussi de jalousies, d’engueulades, et fatalement, de ruptures. Liberace fait de son protégé un homme à tout faire qu’il récompense de tout son amour pour mieux asseoir son emprise et satisfaire sa mégalomanie. Jeux de miroirs entre les deux personnages, l’un vivant sous la coupe de l’autre, l’autre se nourrissant de la candeur du premier, jusqu’à le contaminer et le précipiter dans les excès de la drogue avant de mourir du sida.

Soucieux d’en dresser un portrait haut en couleurs, Soderbergh soigne chaque détail, chaque accessoire, des costumes aux moumoutes des acteurs, en passant par les prothèses et les décors rococo, colonnes romaines en stuc incluses. Basé sur le livre écrit par Scott, l’amant de Liberace, le film assure sa légitimité factuelle, mais son scénario se déploie de façon fort classique. Pour laisser la part belle aux performances des acteurs. Car finalement, Ma vie avec Liberace vaut avant tout et surtout pour ce que livrent à l’écran le duo de l’affiche. Si Matt Damon s’amuse à jouer avec sa virilité, Michael Douglas occupe l’espace et l’écran de toutes les excentricités de son personnage. Une véritable leçon d’actor studio.

Pour le reste, le film fait le job, remplit ses objectifs, assure le service. Mais au fond, il ne fait que compter une histoire d’amour somme toute classique, qui garde néanmoins l’intérêt d’avoir existé dans un monde où le paraître cache souvent des blessures profondes et impossibles à soigner.

Réalisateur: Steven Soderbergh – Acteurs: Michael Douglas, Matt Damon – Durée: 1:58 – Année: 2013 – Pays: USA

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Moland Fengkov

Moland Fengkov

Moland est le représentant officiel de Plume Noire au festival de Cannes. Outre sa passion du cinéma, il est photographe professionel et journaliste freelance.
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1 Comment

  • Cessez de parler de Liberace “à la fin des années 70“. Je l’ai vu (écouté et admiré) à la télévision,
    lorsque j’étais en Amérique, en … 1955 ! C’était déjà la gloire, une présence sur scène et un sens du show incroyables, excessifs bien sûr, mais il n’est pas nécessaire de se référer au seul film de Monsieur Soderbergh, qui ne traduit qu’une portion de la vie de cet artiste, sans doute la moins intéressante, et qui ne nous fait ni chaud ni froid. Liberace fut le champion du bling-bling avant la lettre, avec un métier des plus sûrs. Il mérite mieux que les à-côtés d’un candélabre, et je garde précieusement la dédicace qu’il me fit à l’époque.