Macbeth

macbethIl y a une certaine logique à voir Justin Kurzel adapter le Macbeth de Shakespeare. Dans son film Les crimes de Snowtown, le Mal s’immisçait dans une famille. Cette figure du Mal avait quelque chose de  du personnage de la pièce de Shakespeare, un chef militaire devenu roi après le meurtre de son suzerain, hanté par une prophétie, et poursuivi par la folie et la paranoïa du pouvoir. Ambitieuse, cette adaptation ne pouvait que viser haut, quitte à sombrer dans la démesure.

On retiendra deux choses de la version que livre Kurzel. Tout d’abord, son duo d’acteurs. Michael Fassbender et Marion Cotillard. Tous deux habitent l’écran de leur présence, de leur beauté, de leur folie. S’appropriant le texte original, ils lui donnent vie, instillent dans chaque réplique, chaque mot, la noirceur de leur âme. Lui, en guerrier régicide entre crime et châtiment, traînant dans les intérieurs froids de son château sa culpabilité, laissant exploser dans la nature sauvage de l’Ecosse sa brutalité maudite, elle, manipulatrice gagnée par la folie mortifère. Les deux acteurs, surtout Cotillard, parviennent à investir leur partition et à la transcender sans céder à la démonstration. Une double performance à la limite de la perfection.

Ensuite, il y a la mise en scène, et là, le projet échappe au réalisateur. Trop ambitieux, le film se laisser piéger par la tentation esthétique. Saturée de filtres, la lande écossaise revêt des atours dignes d’un mauvais clip de MTV. Chaque plan se noie dans le narcissisme de sa beauté, jusqu’à l’étouffement. On pense aux outrances de Valhalla rising de Nicolas Winding Refn, mais là où le Danois assumait son univers qui servait le mysticisme tellurique de son trip hallucinatoire, faisant de son œuvre une pure jubilation expérimentale, l’Australien ne dépasse jamais le stade de l’effet gratuit et vain. Les batailles, qui se veulent brutales et sauvages, s’embourbent dans la niaiserie de leur filmage au ralenti, là où les scènes de combats de Valhalla rising prenaient à la gorge le spectateur par leur violence viscérale.

On peut se laisser séduire par la méticulosité de la photographie et des plans, on peut admettre que le film tient avant tout pour l’interprétation de ses acteurs, mais en voulant s’élever au niveau du texte, en coupant allégrement dedans, Kurzel précipite son entreprise dans la tragédie d’un film qui a les yeux plus gros que le ventre. Dommage.

 

Réalisateur: Justin Kurzel – Acteurs: Michael Fassbender, Marion Cotillard, David Thewlis – Durée: 1:53 – Année: 2015 – Pays: Angleterre, Etats-Unis

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Moland Fengkov

Moland Fengkov

Moland est le représentant officiel de Plume Noire au festival de Cannes. Outre sa passion du cinéma, il est photographe professionel et journaliste freelance.
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