Michael Kohlhaas déroute. De par son casting et ses partis pris. Tout d’abord, dans le rôle titre d’un français en langue française, un acteur danois qui a appris toutes ses lignes de dialogues phonétiquement. Si Mads Mikkelsen irradie les ténèbres de cette sombre histoire de révolte, on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi Arnaud des Pallières l’a choisi pour camper ce modeste homme mettant à feu et à sang la région des Cévennes du XVIe siècle pour réclamer vengeance et justice pour le meurtre de son épouse et l’iniquité du pouvoir local. Sans doute se rappellera-t-on son incroyable performance en viking mystique dans le chef d’œuvre de son compatriote Nicolas Winding Refn, Valhalla Rising. Taiseux au possible, froids et déterminés, ces deux personnages partagent la même maîtrise de la violence barbare dans un monde qui ne montre aucune pitié pour les faibles. Et sans doute, une même radicalité à défendre jusqu’à l’extrême leur honneur. Soit. Nonobstant son accent, l’acteur trouve sa place et remplit avec brio son contrat.
Ensuite, le décor. Tourné en pleine nature, avec quelques pierres, l’ensemble donne au film des allures de production télévisée désargentée financée par l’office du tourisme. Auteur marginal, Arnaud des Pallières préfère le corps, les visages et le verbe aux effets pyrotechniques. Nous ne sommes ni à Hollywood ni au Puy-du-Fou. Pour autant, la photographie sait magnifier les paysages naturels, capter les changements de lumière dans l’immensité des collines, suivre les ombres des nuages qui engloutissent quelques cavaliers au lointain et l’utiliser comme agent dramatique.
Car tout dans la mise en scène de des Pallières sert son propos : le paysage sauvage, bouillonnant dans un cadre rigide et fixe, la masse imposante de Mikkelsen, sa diction rugueuse, la sècheresse des flammes qui lèchent les pierres d’un château mis à sac, illustrent la rigueur et la cruauté d’une époque où l’injustice des puissants écrase la modeste vie des anonymes. Le réalisateur assume donc la radicalité de ses choix esthétiques, puisqu’ils rendent son œuvre cohérente, voire intelligente.
Seulement voilà. Malgré la beauté indéniable des plans, de la photo, malgré l’interprétation habitée, le film se retrouve piégé par ses propres procédés. Comme enfermée dans toute cette austérité, l’émotion se refuse d’affleurer à l’écran. Même le tout dernier plan, sur le visage de ce marchand de chevaux résigné à faire face à son destin, pourtant de toute beauté, ne soulève rien d’autre que l’évidence même de sa beauté. On peine à suivre Michael Kohlhaas dans sa quête de vengeance et de justice et on se contente de subir une œuvre qui s’enferme dans les tours qu’elle érige.
Réalisateur: Arnaud des Pallières – Acteurs: Mads Mikkelsen, Mélusine Mayance, Delphine Chuillot – Durée: 2:02 – Année: 2013 – Pays: France
Moland Fengkov
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