On parle beaucoup de l’âge de Xavier Dolan. 25 ans, jeune prodige du cinéma, avec chaque film sélectionné au Festival de Cannes (presque : Tom à la ferme, thriller rural, est sorti au beau milieu du calme du calendrier annuel des festivals), jusqu’à son entrée en lice officielle avec sans doute son meilleur film, le plus mature à ce jour, Mommy. Ses précédents opus, habités par une liberté de ton et de forme, pouvaient par endroits agacer à trop jouer la carte de la fraîcheur et de la rébellion artistique.
Avec Mommy, il réussit le tour de force d’user de facéties formelles sans que celles-ci ne paraissent gratuites. Il donne du sens à ses extravagances de mise en scène sans jamais sombrer dans le baroque. On peut déceler une bonne idée à pratiquement chaque plan. L’émotion et l’émerveillement sont au rendez-vous. La prise de risque se voit récompensée. Mommy livre une véritable proposition de cinéma. Assumée, décomplexée, inspirée. Sa principale trouvaille résidant dans un procédé visant à enfermer les personnages dans un cadrage carré, étriqué, oppressant, auquel, passée la surprise, on s’habitue pour mieux apprécier comment ceux-ci se placent dans cet espace exigu. Lorsque le quotidien des protagonistes s’aère en traversant une phase de bonheur touché du doigt, l’écran s’élargit soudain. Facile, mais d’une telle efficacité. Sans abuser de ces alternances entre format carré et cinémascope, le réalisateur parvient à insuffler du rythme sans gratuité. Fort, dans la forme, et dans le fond, puisque l’émotion explose sur l’écran soudain rendu à son espace habituel.
Avec un sujet fort, grave et difficile (une mère tente d’élever seule son fils hyper actif, aidée par une voisine qui voit là l’occasion de se constituer une seconde famille), Dolan parvient, au milieu de l’hystérie et de la logorrhée des dialogues et des situations, à faire rire. Tour de force, quand bien on devine qu’après les rires viendront les larmes.
Excessif, fou, mais jamais prétentieux. Juste libre, comme ses personnages, le film se savoure comme une bouffée d’air pur au milieu de la pollution. Audacieux, mais surtout, intelligent, le film excelle dans tous les compartiments, également dans celui de la direction d’acteurs. N’y allons pas par quatre chemins : Suzanne Clément mérite le prix d’interprétation féminine, pour son rôle de mère courage déjantée, souvent grossière, jamais vulgaire, toujours pleine d’indulgence pour son fils hyperactif dont les accès de violence n’ont d’égal que l’amour qu’il lui porte ; Anne Dorval mérite également le prix pour son interprétation de Kyla, la voisine bègue qui se trouve une seconde famille parmi Diane et son fils Steve : Antoine-Olivier Pilon mérite le prix d’interprétation masculine pour son incroyable travail sous les traits d’un ado débordant d’énergie, d’amour et de folie. Le trio porte le film à part égale et sert la mise en scène comme celle-ci les sert en retour, dans un système de communication équilibré mais tonitruant. Au final, on sort de ce film comme après avoir effectué un tour dans un grand huit. Les larmes aux yeux, le sourire aux lèvres, le cœur retourné, mais surtout, plein.
Réalisateur: Xavier Dolan – Acteurs: Suzanne Clément, Anne Dorval, Antoine-Olivier Pilon – Durée: 2:18 – Année: 2012 – Pays: Canada
Moland Fengkov
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