Pas facile d’exceller dans l’art du road-movie. Certains y ont signé leurs plus belles œuvres, comme Wim Wenders et son Paris, Texas, quand d’autres se sont lamentablement plantés dans le décor, à l’instar de Walter Salles et son adaptation ratée de Sur la route, chef d’œuvre littéraire du pape de la beat generation, Jack Kerouac. Avec Nebraska, Alexander Payne choisit la formule de la comédie familiale. En convoquant la tendresse qu’il semble porter sur ses personnages, il espère emporter l’adhésion du public en mal de bons sentiments, le tout enrobé dans un noir et blanc soi disant arty. Si ces choix feront mouche auprès d’une certaine frange de spectateurs, nous affirmerons avec outrecuidance ne pas avoir cédé au chantage émotionnel de l’ensemble. Nous bousculons les gros mots en parlant de chantage car au vu des moyens employés, de l’histoire narrée, des personnages mis en scène, tout participe de la volonté de titiller la part d’empathie qui sommeille en chacun de nous, tout en promettant de bonnes tranches de rigolades. Car Nebraska est vendu sous le label d’une comédie.
Un vieil homme croit avoir tiré le gros lot à la suite du tirage au sort d’une loterie par correspondance. Obstiné, quelque peu grabataire, il compte bien se rendre jusqu’au Nebraska pour empocher le chèque, à pied, puisqu’il ne peut plus conduire. L’un de ses fils, malgré sa certitude d’avoir affaire à une arnaque, accepte de l’emmener en voiture. En chemin, ils font halte dans la petite ville où le père a grandi. Les casseroles du passé viennent se joindre au périple et les péripéties se succèdent alors, mais bien entendu, comme le veut ce genre de scénario, la plus grande récompense au bout de la route ne tient pas dans le compte en banque, mais dans les retrouvailles familiales et dans l’amour filial. Sortez les mouchoirs et les violons.
Au prime abord, Nebraska semble jouer la carte de l’honnêteté, en tentant de savamment doser humour et pathos, en plaçant tout au long du parcours du fils et de son père les déshérités de l’Amérique d’en bas, les gens simples, les oubliés de l’Oncle Sam, qui subissent la crise économique mais continuent à se parler, comme d’authentiques être humains. Mais derrière ce regard aux apparences tendres, une certaine condescendance sourd et laisse une impression désagréable de malaise. Payne place son regard toujours au-dessus de ses personnages, jamais à hauteur d’homme, justement, et se moque d’eux : ah, les cousins sont obèses, les beaufs des petites bourgades sont des alcoolos vautrés devant la télévision de façon apathique et prêts à toutes les vilenies pour s’octroyer une part du gâteau, mais tous gardent un bon fond, vous voyez ?
D’un point de vue esthétique, on s’interroge sur le choix du noir et blanc, qui n’apporte aucune beauté supplémentaire à un film dont le rythme et les situations ne parviennent jamais à le faire décoller de l’ennui, à l’image des grandes routes droites et monotones de l’Amérique rurale. D’autant qu’on sait pertinemment ce qui nous attend au bout de cette route : l’amour d’un fils pour son père sénile, bien plus précieux qu’un million de dollars. Belle leçon de vie, qui enfonce, hélas, les portes ouvertes des clichés, et qui ne comblera pas l’absence de leçon de cinéma.
Réalisateur: Alexander Payne – Acteurs: Bruce Dern, Will Forte, Stacy Keach – Durée: 1:54 – Année: 2013 – Pays: Etats-Unis.
Moland Fengkov
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