Post Tenebras Lux

post-tenebras-luxA Post Tenebras Lux, on a envie de répondre, dans le même latin : « diffugimus ! » En clair : fuyons ! Un orage éclate à la nuit tombée. Dans un champ à bestiaux, une jeune enfant erre au son d’aboiements et de tonnerre. Silence, on se retrouve dans un appartement dans lequel apparaît une créature lumineuse à cornes, sorte de diable post-moderne. Vous ne voyez pas trop de quoi ça cause ? C’est normal, nous non plus…

Dès les premiers plans du film de Carlos Reygadas, on comprend qu’on se trouve face à une entreprise d’une prétention aussi infinie que le mystère de l’univers. Si la sécheresse minérale de Japon, un de ses meilleurs films, laissait une empreinte fascinante dans la mémoire du spectateur, Post Tenebras Lux risque d’en laisser plus d’un sur le carreau, à force de pousser à coups d’effets fumeux les limites de la transe formelle à la limite de l’onanisme artistique. C’est un peu comme si Reygadas avait voulu signer son Oncle Boonmee (chef d’œuvre du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul) en convoquant les éléments et autres forces telluriques au service d’un film dont l’ambition échappe à tout contrôle et toute retenue.

L’histoire, parce qu’il y en a une, tout de même, d’une famille installée dans un environnement dépeint comme hostile (souvenez-vous : les chiens en furie, l’orage, le diable luminescent), se dilue dans toute une panoplie d’effets visuels gratuits et un découpage du récit, au mieux abscons, au pire complètement incohérent. Témoins, ces scènes où le frère et la sœur se retrouvent, à différents âges. Scènes sans lien apparent avec l’ossature globale de la trame principale.

En fait, Reygadas emprunte la voie de l’impressionnisme, qu’il préfère à celle du réalisme. Un choix qui se défend, certes, mais qui laisse le spectateur complètement démuni, réduit à appréhender le film avec ses seules sensations. Pas la meilleure façon d’apprécier un film. Surtout quand celui-ci enchaîne des séquences sans queue ni tête, sans lien entre elles, et contenant des scènes dont la seule vocation semble être de choquer la bourgeoise. Si le réalisateur espère susciter un travail actif de la part du spectateur pour percer les arcanes de son œuvre, son arrogance artistique en obtient l’effet inverse : devant une telle vacuité, on ne se donne même pas la peine de chercher à comprendre. Le grotesque de l’entreprise, dont seul son auteur détient les secrètes réponses, se gargarise de la beauté indéniable de sa forme, de ses formes, devrions-nous dire, et prouve qu’on ne peut prétendre à l’ivresse si le flacon reste vide.

Réalisateur: Carlos Reygadas – Acteurs : Adolfo Jimenez, Natalia Acevedo, Willebaldo Torres – Durée: 1:55 – Année: 2012 – Pays: Mexique

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Moland Fengkov

Moland Fengkov

Moland est le représentant officiel de Plume Noire au festival de Cannes. Outre sa passion du cinéma, il est photographe professionel et journaliste freelance.
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