Premières Impressions Du Festival de Cannes 2012

Le Festival de Cannes, c’est bien connu, ’intéresse que ceux qui estiment jouir du privilège d’y être. Sur la Croisette, sans entrer dans le détail du système de castes complexe qui régit les relations sociales, en fonction du type et de l’importance de l’accréditation qu’on se doit de porter au cou, dans un rayon de 10 km², tout est affaire de privilèges : d’un côté ceux qui en bénéficient, et de l’autre, ceux qui les envient secrètement
tout en affectant une indifférence de   circonstance. C’est le jeu. Car c’est ici, durant une quinzaine de jours, que se déplace le centre de gravité du monde. On alimente de façon distraite les conversations avec la composition du nouveau gouvernement français, mais en réalité, la véritable question demeure la possibilité ou non d’entrer à la soirée du Audiard, des Inrocks ou de l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs, tout en tentant de positionner son avis critique par rapport aux confrères sur les films présentés au festival. Lors de la 64e édition, l’affaire DSK s’y était invitée pour mieux éclabousser les Marches de son parfum de scandale, éclipsant temporairement mais de façon gênante le grand raout annuel du 7e Art. Tout d’un coup, l’ex-patron du FMI et ses frasques donnaient raison aux esprits chagrins restés aux portes des Marches et déclarant que finalement, Cannes, tout le monde s’en fout. Le festival se retrouvait réduit à sa superficialité, l’actualité faisant oublier au grand public qu’il s’agit aussi (avant tout ?) d’une grande fête du cinéma, au sens noble du terme, au sens artistique du terme.

Quid de cette 65e édition ? A priori, sauf catastrophe nucléaire ou tsunami soudain, rien ne devrait venir perturber les festivités. Les happy few (à l’échelle mondiale, les milliers de festivaliers ne représentent pas tant de monde que cela) peuvent alors reprendre leurs habitudes : dénigrer la sélection, dénigrer la dernière soirée après avoir battu le pavé devant pendant une heure. C’est que cette année, le sentiment d’appartenir à cette frange de la population mondiale pouvant se targuer d’en être tarde à se
faire ressentir, puisque deux des premiers films attendus et présentés en début de compétition sortent simultanément en salles en France : Moonrise
Kingdom de Wes Anderson et De Rouille et d’os de Jacques Audiard. La primeur des festivaliers leur échappe, d’où ce sentiment, le jour de l’ouverture, de ne pas avoir encore vu le festival débuter. Impression
persistante le lendemain. Mauvais présage ? Ce millésime 2012 s’annonce-t-il décevant, ou le meilleur reste-t-il à venir ? En attendant, pour nombre de festivaliers, tous liés entre eux par le sort mais aussi par les réseaux sociaux, l’info du jour, dont certains médias se devaient de rendre compte, restait le temps scandaleusement long mis par le TGV censé arriver à 15h. Trois heures de retard, soit 8 heures de route. Cannes a survécu à pires désagréments et imprévus. De notre côté, nous gageons donc qu’il ne s’agit là que d’une édition sur le mode du diésel et attendons la suite, avec impatience. Celle du privilégié, donc.

photos: Diane Kruger, Erwan McGregor & Jean-Paul Gaulter (members of the jury)

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Moland Fengkov

Moland Fengkov

Moland est le représentant officiel de Plume Noire au festival de Cannes. Outre sa passion du cinéma, il est photographe professionel et journaliste freelance.
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