Nedezhda Mikhalkova (photo de droite), dans Soleil Trompeur 2, une fresque sur la victoire du Stalinisme pendant la Seconde Guerre Mondiale, sorte de Soldat Ryan dopé à la vodka.
Les jeux sont faits, les dés jetés, le destin scellé. L’heure est aux habituels pronostics, celui du coeur et celui de la raison. Hélas, à ce stade la compétition, après avoir vu tous les films en lice, les impressions du début de festival se confirment : cette édition restera dans les annales comme l’une des plus moroses à ce jour, sur tous les plans. La qualité des films, la fréquentation, l’ambiance. Avec la fatigue accumulée, la boulimie de projections, le rythme infernal inhérent au festival, on tente de faire le tri, de passer le flot d’images à travers le prisme de la mémoire pour voir ce que l’on en retient, ce qu’il en reste. En cela, le Festival de Cannes opère parfois comme miroir déformant les strates sédimentées des traces laissées par la pléthore de films. Un piège qui peut dans certains cas nous faire passer à côté d’un chef d’oeuvre ou, a contrario, surestimer un navet. Comment ne pas se tromper soi-même ? Une seule solution, lorsque puiser dans les dernières ressources du corps et de l’esprit ne suffit plus : se fier à son instinct, à son intuition. Cette année, c’est vite vu : à l’instar des festivaliers en bout de course, ce sont des fantômes, êtres évanescents et fugaces par essence qui, paradoxalement, hantent la mémoire plus profondément que les autres figures croisées durant 15 jours. Au milieu des nombreuses oeuvres tournées vers le politique et le social (Beauvois, Inarritu, Mikhalkov, Bouchareb, Liman, Loach, Assayas), les films les plus singuliers et les plus réjouissants de cette 63e édition traitent tous de la question de l’au-delà, chacun à sa manière. Le fantôme romantique dans l’Affaire Angelica de Manoel de Oliveira, d’abord, mais surtout, les fantômes qui croisent la route du routier de Mon Bonheur, de Sergueï Loznitsa, et ceux, bien entendu, de Joe, aka Apichatpong Weerasethakul. Ces deux derniers films resteront, quoi qu’il advienne demain à la remise des prix, nos Palme d’Or 2010, avec une légère pérférence pour le film Ukrainien, car, chez Joe, la surprise n’était pas au rendez-vous mais plutôt le plaisir de retrouver son cinéma, toujours aussi novateur, puissamment poétique, unique. Tandis que le premier film de fiction de Loznitsa représente la seule et réelle surprise de la sélection officielle, un film qui garde toujours deux ou trois coups d’avance sur le spectateur mais qui l’invite à lui courir après sans abandonner. Voilà pour notre avis personnel. A présent, les rumeurs vont bon train : on affirme que Tim Burton aurait adoré Tournée de Mathieu Amalric, un film quelque peu freaky sur des freaks, ou du moins, des êtres en marge de l’univers du spectacle, mais dotés d’une force intérieure et d’une beauté à toute épreuve. On parle également de Xavier Beauvois pouvant figurer au sommet du palmarès… Si l’on s’en tient à l’applaudimètre, les deux films qui pourraient sérieusement espérer repartir avec le sâcre suprême seraient Another Year de Mike Leigh et surtout Biutiful de Alejandro Gonzalez Inarritu. Une chose est certaine, le prix d’interprétation devrait revenir à Javier Bardem qui porte ce film sur ses solides épaules de père-courage en phase de rédemption. Côté femmes, l’indécision règne. Nous attriburions volontiers le prix à l’impressionnante Juliette Binoche, qui en un seul plan, passe par toutes les émotions dans Copie Conforme d’Abbas Kiarostami. Mais de sérieuses concurrentes la talonnent : Lesley Manville dans Another Year, ou encore Jeon Do-youn dans Housemaid. On pourrait parier à l’infini, l’histoire nous prouve que le palmarès réserve toujours son lot de surprises, souvent à contre-sens des pronostics, mais avec une sélection aussi peu enthousiasmante, on ne peut s’empêcher d’attendre le verdict avec le désagréable préssentiment que la déception sera au sommet des marches…
Moland Fengkov
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