Sur la Route

Sur-la-RouteC’est une grosse machine, avec, au départ, pneus gonflés à bloc, le plein de super et une écurie ambitieuse au volant. Sauf qu’à l’instar de ces highways américains, rectilignes, infinis, se perdant dans l’horizon, Sur la route se contente d’entraîner le public vers de beaux paysages sans parvenir à combler l’ennui qui s’installe au fur et à mesure que la pellicule avale les kilomètres.

Walter Salles avait pourtant tout pour faire de cette adaptation du chef d’œuvre de Jack Kerouac une réussite, une célébration de la liberté et d’une certaine idée de l’hédonisme. Un casting jeune, frais, neuf : des comédiens en devenir, de Kristen Stewart, auréolée du succès interplanétaire de la licence Twilight qui trouve là une occasion de plus de montrer que sa moue boudeuse peut servir à autre chose que des interprétations de jeunes vierges enamourées, à Sam Riley, révélation du Control d’Anton Corbijn, ici dans une autre variante de la jeunesse fougueuse éprise de liberté, en passant par le bellâtre de service, Garrett Hedlund, en néo James Dean. Tous s’en sortent avec brio, apportent à leur personnage respectif un supplément d’âme tout en finesse et jouent la carte de la composition habitée, entre retenue et libération spontanée et habitée de l’interprétation. L’idée était bonne, puisqu’ils incarnent des figures de la beat generation en devenir, des Allen Ginsberg et des Jack Kerouac avant leur accession à la célébrité. Mais voilà, si des acteurs, aussi bons soient-ils, pouvaient sauver un film de son propre naufrage, ceux-ci seraient les rois absolus du 7e art et on n’aurait plus besoin de réalisateurs.

En choisissant de respecter l’œuvre originale, Salles en édulcore toute l’essence. Certes, la photo du film est magnifique, la bande-son des plus agréable, mais quid de l’énergie du roman ? De cette soif de liberté, d’horizon à poursuivre ? En refermant le livre de Kerouac, on n’a qu’une envie : remplir son sac à dos du strict nécessaire et prendre la route. A la fin de la projection du film de Salles, pas grand-chose ne demeure. L’ensemble, jusque dans  les  apparitions de seconds rôles emblématiques de la beat generation comme Viggo Mortensen en William Burroughs, ne dépasse pas le stade de l’anecdote. Les comédiens sont beaux, leurs corps se meuvent dans l’espace, au rythme du jazz, sur les draps des chambres d’hôtels, dans l’habitacle de leur voiture. Mais ils ne parviennent pas à transmettre autre chose que l’idée d’ados qui baisent, boivent, font la fête et partent en vacances. Des ados de bonne famille, dirait-on, tant tout cela reste bien sage. Absolument rien à voir avec toute la fièvre de la Beat generation. Un échec.

 

Réalisateur: Walter Salles – Acteurs: Kristen Stewart, Sam Riley, Garrett Hedlund – Durée: 2:20 – Année: 2012 – Pays: France, USA, Grande-Bretagne

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Moland Fengkov

Moland Fengkov

Moland est le représentant officiel de Plume Noire au festival de Cannes. Outre sa passion du cinéma, il est photographe professionel et journaliste freelance.
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