Après deux époustoufflantes performances de mise en scène (Amours chiennes et 21 grammes), Alejandro Gonzalez Inarritu commençait à montrer un certain essoufflement dans Babel qui atteignait les limites de son système de narration éclaté etchoral, principal reproche que lui lancent ses détracteurs. Autant direqu’on l’attendait au tournant avec Biutiful.Ce 4e opus rassure et déçoit à la fois. Le réalisateur mexicain se veutmoins ambitieux (moins prétentieux ?), en revenant à sa langue nataleet en resserant le lieu de l’intrigue dans un seul décor, Barcelone, làoù sa dernière production emmenait le spectateur aux quatre coins dumonde. Quant à la narration, elle adopte une linéarité plus classique,servie par une photographie sophistiquée. Mais si Xavier Bardem,impressionnant de maîtrise (1er coup de coeur masculin de lacompétition), porte le film sur ses épaules fragiles et fait le lienentre différents destins tragiques, le film souffre d’un excèsd’écriture voulant embrasser presque toute la misère du monde. Trop demisérabilisme tue le misérabilisme. Les drames deviennent de faitprévisibles, les intentions se lisent trop facilement à l’écran, et onsort avec un sentiment d’avoir subi un chantage émotionnel. En somme,pour le frisson de festival, on ne comptera pas sur ce film.
Heureusement, hier soir, à la projo presse du nouveau Kitano, quisigne son grand retour au film de yakuzas, le frisson était aurendez-vous. En pas loin de deux heures, on aura assisté à un joyeuxjeu de massacres, une boucherie orchestrée de façon jubilatoire etfinalement récréative. Outrage n’est pas lemeilleur film de Kitano, mais aura eu le mérite de réveiller uneCroisette morose. Complaisante, la violence chez Kitano ? Non !Cartoonesque : ce n’est pas tous les jours qu’on assiste à l’exécutiond’un mafieux par pendaison horizontale, soit la victime assise dans unevoiture, une corde autour du cou, reliée au trottoir, le véhicule lancéà vive allure tendant la corde et éjectant le corps, non sans avoirrompu la nuque du sujet. Expérimental et spéctaculaire.
Avant d’aller affronter le Kiarostami, ce fut un plaisir deretrouver la nouvelle oeuvre de Pablo Trapero. Découvert ici même il ya quelques années avec El Bonaerense, leréalisateur argentin n’a depuis jamais déçu. Toujours servi par unecaméra nerveuse, proche du documentaire, il plonge toujours sespersonnages dans un univers fermé possédant ses propres codes, sespropres lois : la police de Buenos Aires, le monde carcéral au féminin,ici, celui des avocats véreux spécialisés dans les affaires d’AVP(accidents de la voie publique). Ce qui frape dans Carancho,c’est cette facilité de chez le cinéaste de faire glisser son film d’ungenre à lautre, de façon imperceptible : du documentaire à la romance,pour finir par le thriller, le tout enrichi de plans séquencesmillimétrés de toute beauté. Une valeur sûre.
Moland Fengkov
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