Tel Père Tel Fils

tel-pere-tel-fils-afficheQu’est-ce qui fait de soi un père ? Les liens du sang ou le temps passé avec son fils ? Cette question taraude Kore Eda depuis la naissance de sa fille, celle-ci habitant son nouvel opus, Tel père tel fils. Une famille aisée apprend que l’enfant qu’ils élèvent depuis six ans n’est pas le leur. Le bébé a été échangé à la naissance par une infirmière malveillante et socialement frustrée avec la progéniture d’une autre famille, plus modeste. Les deux familles victimes se rencontrent et décident d’échanger leur enfant respectif.

Sur fond de lutte des classes, mais sans jamais prendre parti, le film brosse le portrait de deux familles unies chacune à sa manière, de deux façons d’aimer et d’élever ses enfants, mais qui se rejoignent dans une même conception de l’amour parental, inconditionnel, indéfectible. Sans manichéisme, et avec une infinie tendresse, Kore Eda pose un regard bienveillant sur ses personnages : les pères, les mères, les enfants. Leurs faiblesses, leurs doutes, leur fragilité, mais aussi les moments de partage et de complicité avec leurs enfants. Kore Eda sait comme nul autre filmer la famille et la force des liens qui unissent ses membres. Les avis des parents sur la façon d’élever leurs rejetons se confrontent et se mélangent pour mieux se rejoindre. Si l’un des pères passe par la photographie et la pratique du piano pour communiquer son amour à son fils, l’autre passe par le jeu et le partage du bain. L’un remplace tandis que l’autre répare, mais tous deux tentent d’être présents pour leur fils.

Le film pourrait tomber facilement dans la mièvrerie mais son réalisateur sait équilibrer et nuancer l’ensemble en suscitant autant le rire que les larmes tout en s’interdisant tout jugement facile. Il ne s’agit pas de savoir quelle famille élèvera le mieux les enfants, mais de célébrer la force de l’amour, sans se poser en donneur de leçon. D’ailleurs, la réussite du film tient dans la place qu’il accorde à absolument tous ses personnages, des épouses aux pères, en passant par les enfants eux-mêmes.

En s’intéressant principalement au point de vue de l’un des pères, l’architecte, ambitieux, pris par son travail et transférant son obsession de la réussite à son fils, Kore Eda construit tout autour son film avec des éléments de comparaison : l’architecte considère son propre père comme un raté, mais finit par se réfugier en quelque sorte dans les jupes de sa mère, par téléphone interposé, une fois que ses convictions vacillent et qu’il se laisse aller à l’émotion face à des photos de lui prises par son fils. La condescendance qu’il affiche face à l’autre père se retrouve mise à mal quand son vrai fils le renvoie à son incapacité à réparer un jouet. Des exemples de ce genre, le film en distille subrepticement, mais sans jamais forcer le trait. Tel père tel fils maîtrise l’art de la nuance, et c’est avec le cœur léger qu’on passe les deux heures du film en compagnie de ces deux familles unies par un drame qui leur fait davantage prendre conscience de la chance qu’elles détiennent d’avoir réussi à construire une certaine idée du bonheur familial. Simple, mais puissant.

Réalisateur: Kore Eda Hirokazu – Acteurs: Masaharu Fukuyama, Machiko Ono, Yoko Maki, Lily Franky – Durée: 2:00 – Année: 2013 – Pays: Japon

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Moland Fengkov

Moland Fengkov

Moland est le représentant officiel de Plume Noire au festival de Cannes. Outre sa passion du cinéma, il est photographe professionel et journaliste freelance.
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