Les pieds nickelés dans les Highlands : la nouvelle comédie sociale de Ken Loach se résume à cette trame simple. Mettant en scène un groupe de jeunes délinquants – pas si éloigné des personnages de la série britannique Misfits, Loach signe un film enlevé, drôle et efficace.
Graine de violence à Glasgow, Robbie, un futur père de famille, échappe de peu à la prison. Sa peine est commuée en travaux d’intérêts généraux, contexte dans lequel il rencontre trois autres jeunes en phase de réinsertion. Initié par son éducateur à l’art du whisky, Robbie se révèle un dégustateur hors pair. Il décide de mettre ses talents au service d’une arnaque qui lui permettra de changer de vie, avec l’aide de ses improbables compagnons de route.
« La part des anges, » désigne la quantité d’alcool qui disparaît des fûts où il est entreposé, sans qu’on sache précisément quel phénomène en est à l’origine. Un titre à l’image du dernier film de Loach. Il faut reconnaître que la force habituelle de son cinéma s’évapore en partie dans ce sympathique portrait de groupe.
Mais ce cru plus léger dans la filmographie de l’auteur n’en est pas moins grisant. L’interprétation y est pour beaucoup. La faconde des jeunes interprètes (tous amateurs) insuffle à ce récit de la « deuxième chance », une énergie communicative. Loach explore différents registres narratifs : de la peinture sociale naturaliste à la comédie, en passant par le suspense qui entoure le vol d’un précieux whisky, le film révèle ses nuances à mesure que se déploie une intrigue moins conventionnelle qu’en apparence.
Que le film se conclut sur un happy end constitue là encore une surprise dans l’œuvre à la tonalité généralement tragique de Loach. Cette légèreté s’exprime d’emblée dans une séquence d’ouverture hilarante où un jeune homme, ivre mort un quai de gare, croit être interpellé par Dieu en personne. En fait, un chef de gare qui tente d’empêcher un accident.
Si La Part des Anges tranche dans l’œuvre de Loach, l’auteur poursuit néanmoins ses thèmes fétiches. Il y est là encore question d’économie, de spéculation et de loi du marché. Le film montre comment des marginaux parviennent à infiltrer et à détourner un milieu capitaliste qui les exclut. La revanche sociale, sur le mode de l’épopée moderne, s’adjoint la générosité du geste de Loach qui filme avec tendresse ces jeunes pleins de ressources, aussi attachants que maladroits. A déguster sans modération.
Réalisateur: Ken Loach – Acteurs: John Henshaw, Roger Allam – Durée: 1:41 – Année: 2012 – Pays: Grande-Bretagne
Sandrine Marques
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