The assassin

assassinAmateurs de films de sabres regorgeant de combats aux chorégraphies acrobatiques dignes de Tigre et dragon, d’Ang Lee, passez votre chemin. The Assassin de Hou Hsiao Hsien lorgne davantage du côté de la contemplation, de la beauté et de la grâce du geste, plutôt que de celui du divertissement. En clair, ce wu xia pian (film de sabre), situé dans la Chine du IXe siècle, dont l’intrigue politique reste absconse et dans laquelle on se perd aisément, vaut avant tout pour sa mise en scène d’une maîtrise proche de la calligraphie. Ici, la lenteur prédomine (il faut attendre plus de 30 minutes avant la première scène de combat), dès le prologue, où un dignitaire se fait assassiner d’un seul coup de lame. Mais ce qui prédomine avant tout dès ce prologue, c’est cette narration qui avance par touches légères, comme autant de coups de pinceau délicats.

Hou Hsiao Hsien promène sa caméra dans les intérieurs feutrés des palais, se fixe sur les mouvements des tissus, la danse des poussières dans la lumière. Et même lorsqu’il filme des duels, c’est avec la précision du naturaliste attentif au souffle des éléments. La poésie du hors-champ s’exprime dans des affrontements au milieu d’une forêt, dont l’ombre des arbres joue avec la valse des corps. Cet éloge de la lenteur et de la légèreté semble desservir l’apparente complexité de l’intrigue, et pourtant, elle invite le spectateur à davantage d’attention. Même s’il ne détient pas les références historiques, il peut avancer au rythme du film, en s’accordant sur le déploiement extatique de sa narration, et ainsi, y déceler tous les détails et indices qui permettent de saisir l’ensemble.

La beauté plastique du film et l’extrême précision de sa mise en scène s’imposent d’emblée et somment le spectateur de s’accrocher. Car même si on se perd rapidement dans les arcanes des complots politiques, la certitude d’avoir affaire à un chef d’œuvre demeure. Et ce sentiment suffit pour se laisser porter dans le cadre magnifiquement composé, un peu comme quand, au musée, on reste des heures devant un tableau de maître pour scruter tous les détails, effleurer la matière, les mariages de couleurs, l’emplacement des éléments qui composent un tout cohérent. Et si certains détails nous échappent, c’est pour mieux nous inviter à y revenir.

Réalisateur: Hou Hsiao Hsien – Acteurs: Shu Qi, Chang Chen, Yun Zhou – Durée: 1:45 – Année: 2015 – Pays: Taïwan

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Moland Fengkov

Moland Fengkov

Moland est le représentant officiel de Plume Noire au festival de Cannes. Outre sa passion du cinéma, il est photographe professionel et journaliste freelance.
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