Toni Erdmann

166709.jpg-r_1280_720-f_jpg-q_x-xxyxxA quoi peut bien ressembler une comédie auteuriste ? A rien d’autre que l’univers qu’elle se crée, justement. Toni Erdmann, de Maren Ade donne une réponse réjouissante. Ines est une cadre allemande vivant à Bucarest. Menant sa vie professionnelle d’une poigne de fer, elle voit son univers basculer lorsque débarque son père, encombrant clown qui fait irruption de manière répétitive et inopinée dans la vie de sa fille sous les traits d’un personnage qu’il s’est lui-même créé : Toni Erdmann. Embarrassant, il s’incruste dans les diners mondains de sa fille et occupe tout l’espace en livrant des anecdotes complètement fictives.

Voilà pour le pitch. Mais Toni Erdmann va bien plus loin et se contenter d’en résumer l’intrigue ne suffit pas à en décrire toute sa folle richesse. Les farces déplacées du père dans l’univers policé de sa fille, par l’incongruité qu’elles engendrent, et la honte de la fille, invitent en filigrane à une réflexion sur la vacuité des conventions sociales qui règnent dans le monde du capitalisme. Cela donne à l’écran des situations dignes des meilleurs sketches qui savent allier grotesque et absurde. Car Toni ne recule devant aucune fanfaronnade pour déstabiliser la vie trop bien huilée de sa fille.

Au-delà de l’hilarité que déclenchent ces situations, Maren Ade ne se contente pas de s’en tenir à la comédie pure. Car de ces scènes sourd un certain malaise, celui que procure la fragilité des personnages, leurs failles, leur détresse, même. Le film pousse loin le délire, comme lors d’une scène où tous les convives d’Ines finissent à poil, avant que débarque le père, dans un déguisement réduit à une boule de poils. Ou encore ce pétage de plombs où elle se lance dans un karaoké déplacé. On l’aura compris, le film ne lésine pas pour déclencher les rires, mais jamais gratuitement, et ne sombre jamais dans la vulgarité, malgré l’outrance des situations. C’est ce qui fait sa force. Derrière les rires, Maren Ade nous propose d’assister au dévoilement de ses personnages à eux-mêmes. Au final, le film raconte une histoire simple de rencontre de deux mondes opposés, qui se (re)découvrent dans la douleur. Et le rire, donc. En somme, une belle histoire sur un père et sa fille qui se retrouvent.

 

Réalisateur: Maren Ade – Acteurs: Peter Simonischek, Sandra Hüller, Michael Wittenborn – Durée: 2:42 – Année: 2016 – Pays: Allemagne

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Moland Fengkov

Moland Fengkov

Moland est le représentant officiel de Plume Noire au festival de Cannes. Outre sa passion du cinéma, il est photographe professionel et journaliste freelance.
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