Paolo Sorrentino et son cinéma exubérant livrent en moyenne un bon film sur trois. Sachant que La Grande Bellezza qui jetait un regard cynique sur la branchitude fatiguée et vulgaire de Rome avait convaincu tant par sa forme que par sa féroce méchanceté, puisque l’une et l’autre se justifiaient, l’équation veut donc que Youth se vautre dans la fable loufoque boursoufflée d’inanité.
Youth est un huis-clos helvétique où végètent un chef d’orchestre retiré des affaires et un cinéaste en bout de course qui peine à parachever son ultime scénario. Dans ce sanatorium perdu au milieu des alpages, Youth multiplie les personnages secondaires tout droits sortis d’un trip sous champignons, bardés de détails au signifiant gratuit : un moine tibétain, un footballeur avec Marx tatoué sur le dos, une miss Univers exhibant ses avantageuses courbes, un acteur dépressif déguisé en Führer… Tout ce beau monde se télescope dans la bulle de procrastination que se sont créé nos deux vieux misanthropes qui ne brillent que par intermittence, au détour d’un trait d’esprit servi par un humour pince-sans-rire chic, façon punchline de salon de massage.
Pour le reste, le grotesque assumé des scènes qui s’enchaînent dans un désordre proche de celui qui habite les rêves ne provoque que, au mieux, l’amusement de la curiosité, au pire, l’ennui et le désarroi. Refusant de diriger un orchestre pour la reine d’Angleterre, le personnage campé par Michael Caine préfère offrir (et nous faire subir) un concert de cloches de vaches. On se demande encore l’intérêt de ce genre de scène.
Dans les Conséquences de l’amour, Sorrentino filmait son polar comme une pub pour voitures de luxe. Ici, son style outrancier donne à Youth des allures de pubs pour chocolat. C’est laid, ça déborde, ça fond au soleil pour mieux dégouliner. En voulant dénoncer la vulgarité du monde contemporain par le biais du grotesque, le réalisateur perd son auditoire dans un magma indigeste qui relève de la boulimie : gaver le sujet jusqu’à la saturation pour mieux le vomir. Du coup, ses réflexions sur les affres de la création se retrouvent noyées dans la surenchère visuelle qui, paradoxalement, ne remplit jamais le vide du propos. C’est un peu comme si, pour vous convaincre de ses talents de cuisinier, il vous posait sur la table la totalité des plats de sa carte. Ecoeurant.
Réalisateur: Paolo Sorrentino – Acteurs: Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz – Durée: 2:04 – Année: 2015 – Pays: Italie, France, Suisse, Angleterre
Moland Fengkov
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